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ÉTUDES ADMINISTRATIVES.

ni s’emparer d’eux, faute d’autorité ; si elle prend des précautions, elle est accusée de vouloir alarmer le pays, de créer des inquiétudes pour servir ses vues politiques, ou de s’abandonner lâchement à des craintes sans fondement ; si le désordre éclate, on lui reproche de ne l’avoir point prévenu, d’avoir laissé se perdre des hommes égarés qu’elle pouvait retirer de l’abîme, qui sait ? de les y avoir peut-être attirés par d’abominables provocations. L’esprit de parti est ingénieux, inventif, et imagine des attaques pour toutes les hypothèses. Si ces hypothèses sont inévitables, que du moins la prudence des magistrats leur ôte toute vérité. Quand la poursuite est dangereuse et n’offre pas un résultat certain, l’administration doit recourir aux moyens qui lui sont propres. Elle peut inquiéter les coupables en leur laissant voir qu’ils sont découverts, jeter la division dans leurs rangs en montrant que des traîtres s’y cachent, détacher des affidés par la persuasion, la crainte ou l’intérêt. Ces moyens, habilement mis en usage, ont souvent mieux servi la chose publique que le luxe des poursuites et la rigueur des condamnations. Les violateurs des lois sont accessibles à des craintes, à des soupçons, que le moindre incident entretient et irrite ; il est facile de les décontenancer, de leur susciter des obstacles qui, sans changer leurs dispositions, les empêchent de se livrer à aucun acte sérieux et redoutable. Cependant le gouvernement se tient toujours sur ses gardes, la police veille sans bruit, toujours prête, si elle ne peut déjouer de coupables projets, à prévenir tout danger en cas d’exécution et à éclairer les pas de la justice.

IV.

Le domaine de la police de sûreté est illimité : tout ce qui touche à la défense des personnes ou des propriétés lui appartient. La police politique a des détracteurs ; la police de sûreté n’en a point ; elle n’excite de plaintes que quand elle n’atteint pas son but, et ceux qui pensent que le gouvernement ne doit prendre aucune mesure contre les actes qui menacent sa sûreté trouvent très bonnes toutes celles qui tendent à défendre leur bourse ou leur existence.

La police de sûreté est présente partout où se font de grands rassemblemens, dans les théâtres, dans les fêtes, dans les promenades où se presse la foule. L’émeute et la sédition la font apparaître sans délai : partout elle a pour éclaireurs ses agens, et pour force suprême la garde municipale, et au besoin toutes les troupes d’une garnison nombreuse. C’est elle qui assure l’exécution des lois et des ordon-