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INAUGURATION DE LA WALHALLA.

rizon immense, arriva devant la porte du temple, où il lui fallut subir une de ces harangues officielles dont le seul mérite, ou, si vous l’aimez mieux, le seul défaut, est de n’avoir d’autre pensée que celle du prince. Les portes de la Walhalla, restées fermées jusqu’à ce moment, s’ouvrirent alors, et ce fut pour le petit nombre de ceux qui y entrèrent à la suite du roi un spectacle nouveau et imprévu que celui de ce temple, si éblouissant de marbres et de dorures, si rempli de monumens d’art et d’images de gloire, se découvrant tout d’un coup dans toute sa magnificence, relevée de l’éclat d’un si beau jour. On m’a assuré, et je le crois sans peine, que le saisissement de ces courtisans, surpris de se trouver en présence de tant de grands hommes dont les bustes peuplent cette enceinte auguste, fut d’abord extrême ; des larmes involontaires humectèrent tous les yeux ; le roi lui-même parut attendri et étonné de son ouvrage, et un long murmure d’admiration fut le premier hommage qui répondit à sa pensée, encore mieux qu’il ne s’adressait à sa présence.

J’ai pu regretter d’avoir été privé du spectacle de ces émotions royales ; mais ce qu’il m’a été donné de voir avait bien aussi son mérite. Quand j’arrivai deux jours après à la Walhalla, la scène avait complètement changé. Les nobles acteurs s’étaient retirés, la foule dorée avait disparu ; le soleil lui-même, caché derrière un voile épais de vapeurs humides, n’éclairait plus le paysage que d’un jour sombre et mélancolique. Cependant le peuple couvrait en longues files d’hommes et de femmes, d’enfans et de vieillards, les chemins qui mènent à la Walhalla, et tous ces honnêtes Allemands, parés comme pour un jour de fête, les uns entassés sous le portique du temple, d’autres debout et muets sur le seuil, tous contemplant avec un sentiment d’admiration naïve tant de richesse employée pour loger quelques bustes d’hommes nés comme eux du peuple et ayant vécu de la vie du peuple, formaient un spectacle qui n’était pas non plus sans instruction ni sans intérêt. J’ose dire même que, si cette première impression se soutient et se prolonge, ce sera là le plus digne résultat de ce monument et la plus noble satisfaction qu’en puisse retirer son auteur. Les monumens qui parlent au cœur des peuples, qui portent à leur intelligence des images de gloire et de patriotisme par les formes de l’art jointes aux ressources de la puissance, ne sont pas en effet aussi dépourvus d’utilité qu’on le pense. Il y a dans l’homme, tout matériel qu’on le suppose ou qu’on s’efforce de le rendre, quelque chose de moral qu’on ne saurait satis-