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de ce temple, qui s’annonce au dehors par le style grave et noble de son architecture dorique, et par son double fronton, orné, à l’exemple des temples antiques, de groupes de statues de ronde-bosse.

Les bustes de grands hommes, tous en forme d’Hermès, tous aussi de dimension pareille, ou à peu près, sont distribués sur deux rangs, le long des quatre parois : les uns sur une espèce de socle continu détaché du mur, les autres au-dessus, sur autant de consoles isolées. En plusieurs endroits, il se trouve encore un troisième rang de ces bustes, au nombre de trois, disposition qui pourra se compléter dans toute l’étendue du monument, à mesure que des illustrations nouvelles viendront prendre, dans ce panthéon de la Germanie, la place qui leur sera décernée. Dégagée de la monotonie qu’aurait pu produire cette longue suite de bustes si elle eût apparu dans sa continuité, sans ces divisions architectoniques qui forment autant de repos pour l’œil, cette masse de portraits d’hommes et de femmes, illustres à tant de titres divers, produit ici un effet vraiment extraordinaire, et l’impression qui en résulte s’accroît encore de la présence de six statues, placées de distance en distance sur les deux côtés longs du temple, dans les espaces libres formés par les avant-corps à deux colonnes. Ces statues, dont on a cherché le type dans celui des Walkyries de la Walhalla mythologique, et qui représentent des femmes ailées, vêtues comme devaient l’être ces héroïnes de l’élysée scandinave, tiennent aussi, par le style, des Victoires de l’olympe grec. Elles sont, les unes debout, les autres assises, et elles portent toutes des couronnes qu’elles semblent, en des attitudes diverses, offrir au patriotisme et au génie. Ces six statues, dues au ciseau de Rauch, sont charmantes d’invention, de style et d’ajustement ; deux surtout, celle qui semble se lever pour distribuer des couronnes, et une autre qui lui fait face, sont certainement au nombre des meilleures productions de la statuaire moderne.

Dans l’intention qu’avait eue le royal auteur de ce monument héroïque d’y réunir les images de tout ce qui a contribué à la gloire des diverses tribus germaniques, à toutes les époques de leur histoire, il devait s’y trouver un certain nombre de personnages dont on ne possède pas, dont il n’a peut-être jamais existé de portraits authentiques ; et le prince, qui prend au sérieux les idées de gloire et les sentimens de sympathie qui s’y attachent, ne voulait pas offrir à l’admiration publique de ces portraits d’invention, de ces têtes de caprice, qui font du culte des grands hommes une spéculation et un mensonge : le roi de Bavière ne conçoit la gloire qu’appuyée sur la