Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/918

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
914
REVUE DES DEUX MONDES.

tenté des compositions purement métaphysiques ou symboliques : c’est ainsi, par exemple, qu’à l’aide de personnifications matérielles, il a voulu nous donner une représentation peinte de notre système solaire. Dans ce singulier tableau, les planètes, personnifiées et caractérisées à l’aide d’attributs abstraits ou métaphysiques, forment une espèce de ronde autour du soleil, source de lumière où chacune d’elles viennent remplir leurs urnes. M. Henri Howard, dans un autre tableau astronomique, le berger chaldéen, nous montre un pâtre contemplant les étoiles, représentées par autant de belles femmes. M. Howard a en outre exécuté un grand nombre de compositions tirées du Paradis perdu de Milton.

Quand sir Thomas Lawrence mourut, Wilkie, chef de l’école populaire, peintre de scènes familières dans lesquelles il avait su allier l’intérêt le plus vif, la gaieté la plus aimable et la plus touchante, et même une sorte de dignité, aux incidens les plus vulgaires, Wilkie se trouvait son successeur naturel. Wilkie aimait sincèrement son art ; il lui avait consacré sa vie, sacrifié sa santé, et avait toujours vécu fort retiré, entièrement adonné à l’étude et à la méditation. La mode vint le prendre chez lui ; la critique lui prodigua ses avis, et du Goldsmith des peintres voulut faire un Smollett ou un Walter Scott. Wilkie eut peut-être le tort d’écouter ces conseils ; le peintre de Sancho Pança, du Colin-Maillard et de la Saisie des loyers, tenta de s’élever à la gravité du genre historique, et peignit Knox et Christophe Colomb[1]. Le poète de Duncan Grey et du Blind-Fiddler emboucha la trompette héroïque et voulut chanter à sa manière la victoire de Waterloo et l’entrée de George IV à Holy-Rood-House. Puis, comme sir Thomas Lawrence, Wilkie se fit le peintre des grands seigneurs ; mais cette branche officielle de l’art convenait peu à son talent. Il resta donc fort au-dessous de Lawrence, dont il ne put jamais s’approprier le laisser-aller aristocratique et l’exquise dignité. Trop souvent même on retrouve quelque chose du caricaturiste jusque dans ses portraits de personnes royales. C’est ainsi que son portrait du roi George IV en highlander, que nous avons vu à Édimbourg, fera toujours naître le sourire, quelque sérieux que Wilkie ait prétendu attribuer au personnage, et si parfaite que soit l’exécution des détails du singulier costume dont il l’a revêtu.

  1. Christophe Colomb développant ses projets de découvertes dans le couvent de la Rabida. Christophe Colomb est bien convaincu ; ses auditeurs m’ont semblé trop curieux et pas assez incrédules.