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LA BELGIQUE.

centre. M. de Theux, qui a été fort long-temps ministre, est destiné à recomposer le cabinet, quand l’opinion dont il est le représentant ostensible reviendra au pouvoir. Le parti catholique enfin s’appuie sur le peuple des campagnes, sur les propriétaires du sol, au nombre desquels se trouve presque toute l’ancienne noblesse, et sur la plupart des villes de second ordre. Le secret de sa force consiste en ceci, que, sans cesser de préserver l’immuabilité du dogme de toute atteinte, il a toujours eu l’habileté de se jeter dans le mouvement temporel, afin de lui imprimer sa propre direction.

Mais cette force même a son côté vulnérable ; il ne lui est pas toujours facile de concilier une combinaison aussi étrange que l’est l’alliance des idées religieuses du moyen-âge avec les théories politiques des temps modernes. C’est ce qui compense jusqu’à un certain point le désavantage de la position du parti libéral, plus passionné, plus vif, quand il attaque, mais à qui manque l’esprit de suite et la discipline si facile à obtenir dans les rangs du catholicisme. Ce parti copie de loin le système d’organisation de son adversaire. Lui aussi a ses agens d’élection, ses écoles, son université ; mais celle-ci est languissante, et ses ressources matérielles, fondées sur des souscriptions purement patriotiques, ne sont point nourries par la foi qui sait se dépouiller pour la gloire des objets de son culte. Cependant, avec l’appui qu’il trouve dans les grandes villes, et porté comme il l’est par le courant du siècle, auquel il lui suffit de s’abandonner, il parvient à tenir la balance entre lui et son adversaire, et oppose des bornes salutaires à une domination qui pourrait devenir oppressive, si elle ne trouvait plus d’obstacles. Dans le parti libéral, précisément en raison de son défaut de cohésion, les individus ont plus de valeur. MM. Lebeau et Rogier, qui, tous les deux, ont été ministres, en sont les hommes d’état ; M. Levaux, qui ne veut pas des fatigues du pouvoir, a la réputation de diriger du fond de son cabinet, comme rédacteur principal de la Revue nationale, et de son banc à la chambre des représentans, la conduite de ses deux amis politiques. M. Verhaegen, également député, est plutôt le tribun du parti ; il est à la tête de la franc-maçonnerie belge, qui, de confrérie fort innocente qu’elle avait toujours été, s’est transformée peu à peu en club central de l’opinion libérale.

Avons-nous besoin de faire remarquer que derrière ces deux partis qui se combattent sans se vaincre jamais, s’agite un des grands problèmes qui divisent la société moderne, qu’il faut y voir la conserva-