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idées ; c’est par là que débouchent ses principales industries du fond de l’impasse où les évènemens de 1830 les ont acculées. Il faudra donc que son gouvernement, après le long détour qu’il a fait pour fuir cette nécessité, y revienne ramené par les véritables besoins du pays. Conclue de peuple à peuple, l’union commerciale avec la France serait une alliance de raison et d’inclination à la fois. La Belgique en accueillait la perspective avec transport parce que c’est elle en effet qui y gagnerait le plus ; mais depuis la menace d’absorption imprudemment jetée par la presse parisienne, elle n’a pas vu sans déplaisir les droits acquis dicter d’inacceptables conditions au gouvernement français. C’est que, l’absorption politique se formulant à ses yeux en tentative d’absorption nationale, elle recule devant une lutte disproportionnée ; elle a peur de signer un traité de Méthuen, qui la ferait descendre peut-être jusqu’à l’état d’abjection et de dépendance où l’Angleterre, pour prix d’un privilége accordé à des huiles, à des vins, avait su plonger le Portugal. Le gouvernement belge exploitera cette défiance, et tant que les causes qui y ont donné lieu n’auront pas été écartées, il pourra faire ajourner l’espoir de l’union commerciale.

Pour que cette union puisse s’accomplir entre la Belgique et la France, il nous semble donc indispensable auparavant que les rapports politiques des deux pays soient nettement définis et que le plus nouveau voie prévaloir chez l’autre l’opinion favorable à sa durée ; cette assurance est d’autant plus nécessaire au petit peuple belge que, malgré lui, malgré ses hommes d’état, le problème de son avenir revient toujours se concentrer dans cet étroit espace. Il aura beau faire, sa fortune est inévitablement liée à celle de la France, il ne peut secouer l’influence de suprématie que les grandes nations exercent sur leurs voisins plus faibles et se soustraire aux conséquences de son origine, qui l’a placé à toujours dans la sphère d’action, ou, pour nous servir d’un terme plus énergique, dans le tourbillon de la puissance française en Europe ; il est prédestiné à être son auxiliaire passif, à la prolonger sur l’Escaut, comme un ministre le disait hier à la tribune, mais il voudrait que ce fût librement et dans la mesure de ses forces et de son intérêt propre ; il voudrait passer, la nationalité sauve, les jours mauvais qui peuvent revenir encore.

C’est à la France de juger si elle peut accorder les avantages de l’union commerciale à un peuple libre, ou si elle veut faire de l’aban-