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les 150 millions qu’il reçoit, d’un capital nominal de 195,440,000 fr. portant intérêt à 3 pour 100. Si tout ce capital nominal devait être racheté au pair, dans une période de quarante années, il en coûterait à l’état quarante annuités chacune de 8,422,000 fr., et en somme totale 336,920,000 fr. Supposons maintenant un emprunt fait en rentes 5 pour 100 au pair, pour être amorti dans le même temps de quarante années au pair ; l’état aurait à payer quarante annuités, chacune de 8,708,000 fr., et en somme totale 348,320,000 fr. D’où il suit que l’emprunt fait en rentes 3 pour 100, comparé à un emprunt en rentes 5 pour 100 au pair, présente une économie totale de 11,400,000 fr., dans l’hypothèse même où l’état rachèterait au pair tout le capital nominal dont il s’est constitué débiteur.

« L’opération, envisagée sous d’autres points de vue, n’est pas moins satisfaisante. La France, après cinquante années de révolution, de succès et de revers, a emprunté à l’intérêt de 3 fr. 91 cent., quand naguère l’Autriche négociait à moins du pair ses obligations métalliques, portant 5 pour 100 d’intérêt ; quand un emprunt à 4 pour 100 proposé par la Russie était offert à 87 ; quand la Hollande, encore riche des capitaux amoncelés, ne place ses rentes 2 1/2 pour 100 qu’à 51 et 52. »

Nous avons reproduit, avec quelque étendue, l’opinion de M. Humann, à cause de sa valeur critique, et parce qu’elle met à nu l’infirmité des bases sur lesquelles repose en France le crédit public. Certes, à ne considérer que la situation relative de l’Angleterre et de la France, le 3 pour 100 anglais ne vaut pas 97 fr., ou le 3 pour 100 français vaut plus de 82 fr. ; car, si la valeur d’un effet public se mesure à la sécurité qu’offre le placement, il n’y a pas au monde une dette plus sûrement hypothéquée que la nôtre, ni qui ait devant elle plus d’espace et plus d’avenir. Le revenu de la France égale, à peu de chose près, celui de la Grande-Bretagne[1], mais il s’en faut que les charges permanentes, celles qui ne comportent pas de réduction, que la dette, en un mot, pèse du même poids sur les deux pays. L’intérêt à payer aux créanciers de l’état en Angleterre excède annuellement 740 millions de francs, l’amortissement non compris, soit 57 pour 100 du revenu. La dette flottante et la dette fondée, si l’on en distrait l’amortissement et les rentes rachetées, ne s’élèvent guère en France qu’à 200 millions de francs, soit à 15 pour 100 du revenu. Ajoutons qu’une grande partie des recettes du trésor provenant chez

  1. Le revenu brut de l’Angleterre est en moyenne d’environ 1,310 millions de France, et celui de la France excédera probablement, en 1843, 1,260 millions.