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TRAVAIL DES ENFANS DANS LES MINES.

de 185,000 tonnes de métal ; la manufacture de coton, 800,000 ; celle de la laine, de la soie, du lin, 600,000 ; enfin, en y joignant le contingent des autres industries et des exportations, qui en 1837 était de 1,100,000 tonnes, on voit le chiffre total de la production houillère de l’Angleterre s’élever à non moins de 26,000,000 de tonnes, ce qui, en évaluant la tonne au prix moyen de 8 sh. (10 fr.), représente annuellement la somme de 260,000,000 de francs[1].

Mais, quoique l’extraction de la houille soit une des plus grandes sources de richesses de l’Angleterre, par un déplorable contraste, il n’est pas d’industrie où la condition des travailleurs ait jamais présenté des misères dont l’humanité ait autant à gémir. L’exploitation seule d’une mine donne aux lieux où elle s’établit un aspect désolé, le paysage prend une teinte funèbre, les rians cottages des fermiers font place aux misérables cabanes des mineurs. Les travaux de l’agriculture disparaissent, comme effrayés de ces épais nuages de fumée que vomit la mine, de la robe funéraire dont le sol se couvre aux environs, et de cette triste population de mineurs sur la physionomie desquels l’existence qu’ils mènent dans les profondeurs de la terre imprime un caractère sombre et bizarre.

La population des mines est répartie entre quatre catégories de travailleurs dont nous allons indiquer rapidement les fonctions, déterminées par la progression de l’âge. Au sommet de la hiérarchie sont les overmen et les deputies-overmen. Ce sont eux qui sont chargés de la police de l’exploitation ; ils doivent veiller à l’exécution des travaux et à la sécurité de la mine. Élevés à ce poste par leur intelligence et leur bonne conduite, ils jouissent ordinairement d’un salaire annuel de 100 liv. st. (2,500 fr.) L’overman a l’intendance générale ; le deputy-overman, son lieutenant, surveille l’exécution de ses ordres ; c’est lui qui mesure à chaque ouvrier extracteur (hewer) sa part de travail ; il assigne au putter, jeune homme chargé d’enlever la houille extraite, le lieu de son travail.

Les mineurs proprement dits, les ouvriers qui extraient le minerai ou la houille (hewers), sont en général des hommes faits. Ils descendent dans les travaux à deux heures du matin et reçoivent les ordres des deputies-overmen. Pour travailler, ils se dépouillent de leurs vêtemens ; dans quelques mines, ils gardent une ceinture, mais ils sont ordinairement dans un état complet de nudité, malgré la présence des femmes et des jeunes filles employées auprès d’eux. La nature de la roche dans laquelle ils travaillent les oblige souvent à se tenir dans les positions les plus pénibles, accroupis, étendus sur le dos ou couchés sur le côté. Leur journée se termine à deux heures après midi. Dans un des districts houillers les plus considérables de l’Angleterre, le comté de Durham, le salaire des hewers peut être évalué à environ 50 liv. st. (1,200 fr.) par an.

Immédiatement après les hewers viennent les putters. Ce sont des jeunes

  1. Mac-Culloch’s Statit. Account, etc., t. I, part. III, ch. 2.