Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
TRAVAIL DES ENFANS DANS LES MINES.

l’esclavage systématique qui pèse sur elles, on a peine à concevoir qu’un pareil état de choses soit toléré dans un pays aussi éclairé que l’Angleterre, et à une époque où l’on se pique de porter un si vif intérêt au bien-être des classes ouvrières[1]. »

Le travail des mines de houille, commencé de si bonne heure, exerce en général une funeste influence sur la constitution physique des mineurs. Il a pour premier résultat de produire un développement extraordinaire des muscles, mais ce développement exagéré de la partie supérieure du corps ne s’acquiert qu’aux dépens des autres organes. Dans les mines où les couches de houille sont étroites et les galeries basses par conséquent, les membres des mineurs présentent souvent de hideuses difformités. D’ailleurs, ces forces musculaires s’usent d’autant plus vite que le développement en a été plus précoce et plus excessif. La décrépitude arrive avec une effrayante rapidité. À quarante ou cinquante ans, le mineur est devenu incapable de travailler, et paraît aussi faible qu’un vieillard de quatre-vingts ans. Parmi les ouvriers mineurs, on compte la moitié moins d’hommes âgés de soixante-dix ans que dans la population agricole. Le terme moyen de la vie des mineurs est entre cinquante et cinquante-cinq ans. Il n’est pas surprenant que la dureté des travaux auxquels les mineurs sont soumis de si bonne heure donne à leurs mœurs un caractère de rudesse qui va souvent jusqu’à la férocité, Ils semblent ne tenir aucun compte de la vie. Les assassinats sont fréquens parmi eux, et demeurent le plus souvent impunis, surtout en Écosse, où il n’y pas de coroner pour dresser des enquêtes sur les causes et les circonstances des morts violentes. La déposition d’un officier de police, citée par le rapport, est effrayante à cet égard : « Si un policeman tuait un chien dans les

    suivant les lieux, de 16° à 22° centigrades. Dans la mine de Monkwearmouth, dont la profondeur est de 1,600 pieds anglais (près de 500 mètres), la température moyenne est de 26° à 27° centigrades, et s’élève dans quelques parties à 32° cent. (Report, p. 4.)

  1. En France, les femmes ne sont pas employées dans les mines. Un décret de 1815 y interdit le travail des enfans au-dessous de l’âge de dix ans. Les prescriptions philantropiques de cette loi ne sont violées, à notre connaissance, que dans les mines de lignite des Bouches-du-Rhône. Ce n’est guère aussi que dans ces mines, où les couches n’ont ordinairement que 60 à 75 cent. de puissance, que les enfans sont employés aux travaux de l’exploitation ; ils y sont chargés, comme en Angleterre, du roulage intérieur, et leur âge varie de douze à vingt ans. Ce n’est que dans un petit nombre de cas, lorsque les couches n’ont que 50 cent., que l’on prend des enfans âgés de moins de dix ans. La tâche de ces travailleurs, nommés mendits dans le pays, consiste à traîner, comme en Angleterre, des chariots bas, ou, comme en Écosse, à porter sur le dos des cabas pleins de charbon, en grimpant le long de puits inclinés garnis d’escaliers taillés dans le roc. D’ailleurs, la condition de ces enfans est loin d’être malheureuse. Pour eux comme pour les mineurs, la journée de travail n’est que de huit heures, et leur salaire varie, suivant leurs forces, de 1 à 2 francs par jour, ce qui est considérable, eu égard à la pauvreté du pays.