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pour assurer l’abolition de la traite. M. Tyler montre qu’il n’est aucun besoin de sacrifier l’indépendance des nations à ce grand intérêt. Le message de M. Tyler fournit une nouvelle force à l’opinion qui s’est prononcée en France contre le droit de visite. Il répand un nouveau jour sur cette discussion qui est loin d’être épuisée, et qui pourra bien être reprise dans la session prochaine. L’exemple de l’Amérique prêtera une grande autorité aux argumens des adversaires du droit de visite. Au reste, nous nous proposons de revenir sur cette question dans un travail spécial qui, par les documens qu’il contiendra, pourra servir, nous l’espérons, à éclairer cet important débat.

— On n’a pas encore tout dit sur le XVIIIe siècle ; cette époque étrange pourra long-temps encore occuper le critique et l’historien sans qu’on en ait parcouru tous les aspects, étudié tous les types, indiqué tous les contrastes. Quoi de plus incomplet, par exemple, que les notices biographiques qui nous sont restées sur les poètes et les artistes contemporains de Voltaire et de Louis XV ! Sans doute, la critique n’a plus rien à nous apprendre sur ces muses souriantes et fardées ; mais combien l’histoire biographique ne peut-elle pas trouver encore de curieux détails et de tableaux imprévus dans la vie intime d’une littérature qui n’a pas eu son Tallemant des Réaux ! C’est ce côté gracieux et nouveau du XVIIIe siècle qui a tenté la curiosité d’un jeune écrivain, M. Arsène Houssaye. Il a écrit, sous le titre du Dix-Huitième siècle[1], une suite d’agréables portraits où le cadre de l’étude littéraire n’est qu’un prétexte à la biographie et quelquefois au roman. Il a raconté ces existences aventureuses de poètes, de musiciens et de peintres, dans des pages qui ont souvent le charme d’une révélation piquante. On le suit tour à tour au cabaret avec Piron, à Versailles avec Bernis, à l’Académie avec le vieux Fontenelle ; on visite Watteau dans son intérieur flamand, Grétry dans sa retraite de Montmorency. Le roi Louis XV en personne est, comme auteur de jolis vers, rangé par M. Houssaye dans la galerie des petits poètes de son temps. Ce qui ajoute un vif intérêt à ces études capricieuses, c’est la sensibilité, qui ne fait jamais défaut à l’écrivain, et qui relève ce que certains sujets, comme Dufresny et Piron, offraient de triste dans leur frivolité apparente. On doit encourager de tels essais d’histoire littéraire, en conseillant néanmoins à M. Houssaye de s’appliquer de plus en plus au côté sérieux et élevé du genre qu’il s’entend si bien à rajeunir.


— Il a paru, sous le titre de Jérôme Paturot[2], une amusante satire des travers contemporains. Rien n’est épargné dans ce petit roman, qui oppose à toutes les folles ambitions de l’époque le calme et impassible sourire du bon sens. Jérôme Paturot est un honnête bourgeois qui se laisse prendre à tous

  1. Deux vol. in-8o, chez Desessart.
  2. Un vol.  in-8o, chez Paulin.