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DU DROIT DE VISITE.

en état de blocus et ordonna la confiscation de tout bâtiment convaincu d’avoir commercé ou voulu commercer avec elles[1].

Les bâtimens américains, ainsi saisis par les Anglais s’ils commerçaient avec la France, par les Français, s’ils commerçaient avec l’Angleterre, pouvaient tenter de débarquer leurs marchandises sur un point du continent non encore occupé par les troupes françaises, d’où ces marchandises seraient répandues par terre dans les autres pays. Ils auraient échappé par là aux prohibitions de l’Angleterre. Cette ressource leur fut ôtée ; un ordre du conseil défendit aux neutres d’aborder sur un point quelconque du continent, sans avoir auparavant touché en Angleterre et acquitté les droits sur les marchandises dont ils étaient chargés[2]. C’était faire de l’Angleterre l’entrepôt forcé de tout le continent, et convertir en marchandises anglaises celles du monde entier ; c’était faire payer par toute l’Europe un tribut à l’Angleterre. Napoléon, pour l’empêcher, rendit son décret de Milan, qui déclarait dénationalisé tout bâtiment neutre qui toucherait en Angleterre, et ordonnait de le confisquer comme anglais[3].

Les États-Unis, ainsi traités par l’Angleterre comme au temps où ils étaient sa colonie et ne pouvaient commercer qu’avec elle, se

  1. 21 novembre 1808.
  2. 11 novembre 1807.
  3. 17 décembre 1807. — Il faut voir dans quels termes véhémens s’exprimait Napoléon.

    « Vu les dispositions arrêtées par le gouvernement britannique, en date du 11 novembre dernier, qui assujettissent les bâtimens des puissances neutres, amies et même alliées de l’Angleterre, non-seulement à une visite par les croiseurs anglais, mais encore à une station obligée en Angleterre et à une imposition arbitraire de tant pour cent sur leur chargement, qui doit être réglée par la législation anglaise ;

    « Considérant que par ces actes le gouvernement anglais a dénationalisé les bâtimens de toutes les nations de l’Europe ; qu’il n’est au pouvoir d’aucun gouvernement de transiger sur son indépendance et sur ses droits, tous les souverains de l’Europe étant solidaires de la souveraineté et de l’indépendance de leur pavillon ; que si, par une faiblesse inexcusable, et qui serait une tache ineffaçable aux yeux de la postérité, on laissait passer en principe et consacrer par l’usage une pareille tyrannie, les Anglais en prendraient acte pour l’établir en droit, comme ils ont profité de la tolérance des gouvernemens pour établir l’infâme principe que le pavillon ne couvre pas la marchandise, et pour donner à leur droit de blocus une extension arbitraire et attentatoire à la souveraineté de tous les états ;

    « Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    « Art. 1er. — Tout bâtiment, de quelque nation qu’il soit, qui aura souffert la visite d’un vaisseau anglais, ou se sera soumis à un voyage en Angleterre, ou aura payé une imposition quelconque au gouvernement anglais, est, par cela seul, fdé-