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DU DROIT DE VISITE.

pour soutenir son système continental, à un expédient extraordinaire, celui des licences ; la France manquant de sucre, de café, de cochenille, et d’autres denrées coloniales nécessaires à sa consommation ou à ses manufactures, il délivra des permis pour l’introduction des quantités nécessaires, à la charge d’exporter des marchandises françaises pour une valeur égale. Mais comme l’Angleterre refusait de recevoir la plupart de celles-ci, on les jetait à la mer en sortant du port. Une commission était instituée près du ministère du commerce pour veiller à ce que la valeur des marchandises importées ne fût pas amoindrie, et celle des marchandises exportées exagérée. On estime qu’il fut ainsi importé pour plus de 100 millions de produits coloniaux dans trois années. Il en revint au trésor impérial des sommes considérables par les droits de douane, dont le tarif était exorbitant.

Pendant ce temps, les embarras du cabinet de Washington n’avaient pas diminué. Le bill de non-intercourse n’ayant pas obtenu en Europe plus de succès que le bill d’embargo et excitant les mêmes plaintes aux États-Unis, il fallut, à la session suivante du congrès, chercher une autre combinaison ; on s’arrêta à celle-ci. Le bill de non-intercourse fut suspendu jusqu’au 3 mars 1811, c’est-à-dire que jusqu’à cette époque les bâtimens des États-Unis furent autorisés à commercer avec la France et l’Angleterre comme avec les autres pays. Si, avant le 3 mars 1811, l’un ou l’autre pays avait révoqué ses mesures contre les neutres, le bill, à dater de cette révocation, demeurait définitivement révoqué à son égard, et le commerce redevenait libre avec lui ; trois mois étaient encore donnés à l’autre pour suivre cet exemple, et, s’il ne l’avait pas fait, le bill reprenait son exécution vis-à-vis de lui[1].

Cette combinaison, soit par sa propre vertu, soit par l’effet des circonstances, eut plus de succès que les précédentes. Napoléon crut y voir un moyen de rétablir ses relations avec les États-Unis et d’amener leur rupture définitive avec l’Angleterre. Dans cette vue, il fit remettre à leur ministre à Paris, le 5 août 1810, une note annonçant qu’il avait révoqué ses décrets à dater du 1er novembre suivant. Ce ministre, sans en demander d’autre preuve, annonça la révocation au président des États-Unis, et celui-ci, le lendemain du jour où les mesures de la France devaient cesser d’être exécutées (le 2 novembre), publia une proclamation qui rétablissait le commerce avec elle. Il en

  1. Bill du 1er mai 1810.