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DU DROIT DE VISITE.

en France et changea le gouvernement du pays. L’Angleterre, en quinze ans d’efforts, n’avait obtenu que l’adhésion de l’Espagne, du Portugal et des Pays-Bas ; les autres puissances refusaient d’abandonner un principe pour lequel elles avaient long-temps combattu, et à leur tête figuraient la France et les États-Unis, dont l’exemple devait être tout puissant sur elles.

La nouvelle situation de la France inspira à l’Angleterre l’espoir de mieux réussir auprès d’elle : la première, elle avait reconnu le gouvernement né de la révolution ; ce gouvernement était vu avec défiance par d’autres et pouvait craindre qu’une coalition des souverains absolus ne se formât contre lui. Le cabinet anglais, avec cette persévérance qu’il apporte dans tous ses desseins, reprit son œuvre interrompue et demanda que le droit de visite réciproque fût consenti par la France. Il invoqua les droits de l’humanité violés par la continuation de la traite, et l’honneur qui résulterait pour le gouvernement de juillet d’un concours plus efficace accordé pour la répression de cet odieux trafic. L’alliance de l’Angleterre était importante à ménager ; tout traité fait avec elle semblait la resserrer, et certains membres du gouvernement, il est juste de le dire, animés de l’esprit de Wilberforce, étaient particulièrement touchés des grands principes de la liberté humaine, plus disposés par conséquent à voir les avantages de la mesure que ses dangers ; ils avaient fait adopter peu de temps auparavant (le 4 mars 1831) une loi terrible contre la traite, qui punissait de peines infamantes jusqu’aux bâilleurs de fonds et aux assureurs. La demande de l’Angleterre, par ces diverses causes, fut mieux accueillie qu’à d’autres époques ; on entra en négociation avec elle, et une convention fut signée le 30 novembre 1831, par laquelle les deux gouvernemens s’accordèrent réciproquement le droit de visite. Cette convention détermina les latitudes dans lesquelles le droit pourrait s’exercer ; c’étaient celles que devaient nécessairement traverser les bâtimens qui se livreraient à la traite, soit pour aller acheter les noirs, soit pour les transporter à leur destination. Il fut dit qu’une convention spéciale fixerait chaque année le nombre des croiseurs de chaque nation, qui ne pourrait différer de plus du double ; que les croiseurs de chaque nation seraient commissionnés par l’autre pour pouvoir visiter les bâtimens de celle-ci ; que tout bâtiment retenu comme suspect serait conduit dans la colonie la plus voisine de la nation à laquelle il appartenait, pour y être jugé d’après les lois de son pays ; que les deux gouvernemens enfin agiraient de concert pour mener les autres puissances à adhérer au