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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

soleil, ne montait pas au-delà de 34 degrés de Fahrenheit. Le septième jour, le chariot aux provisions versa, au grand préjudice d’une foule de petits objets. On arrivait à Graham’s Town.

C’est une assez grande ville, d’environ trois mille ames. Les voyageurs durent y compléter leurs approvisionnemens, car déjà ils étaient à deux cent quarante-six lieues du Cap. Outre les conducteurs de chariots, le personnel se composait d’un cuisinier, Richard, qui déjà avait accompagné des officiers de l’Inde à Litakoo, et d’un Parsi, maître d’hôtel. Tandis qu’un musulman, amené de Bombay comme lui, tournant le dos à ce pays d’infidèles, s’était bien vite séparé de ses maîtres, le Guèbre, plus hardi et plus fidèle, avait voulu courir les hasards de l’expédition. Au reste, soit parce qu’ils sont désormais sans patrie, soit par un sentiment de curiosité propre à tous les peuples industrieux, les Parsis entreprennent volontiers de longs voyages. Nous en avons vu plus d’un traverser les mers, de Londres à Macao, et, si nous ne nous trompons, ce fut un Guèbre qui accompagna l’infortuné Alexandre Burnes dans son aventureuse mission au fond de l’Asie centrale. À Graham’s Town, le capitaine Harris enrôla dans sa troupe un nouveau serviteur, soldat aux riflemen du Cap, arrière-petit-fils d’un Hottentot, et nommé Andries Africander. Comme il joue un rôle fort important dans la suite du récit, nous donnerons son portrait tel qu’il est tracé par le capitaine lui-même. « Ce personnage n’avait pas fait moins de cinq voyages au pays de Moselekatse ; non-seulement il connaissait intimement ce chef, mais il avait une bonne teinture de la langue anglaise et de la langue sichuana, parlée par ces sauvages. À l’entendre, Andries était un habile tireur, un intrépide chasseur d’éléphans, un conducteur de chariots achevé, prétendant ainsi combiner en lui, malgré son physique mutilé (il lui manquait l’œil droit et l’index) et peu prévenant, toutes les qualités que dans notre situation nous pouvions exiger d’un domestique. Si ses moyens eussent été en harmonie avec les perfections qu’il s’attribuait, c’eût été en effet une précieuse acquisition ; mais, hélas ! poltron, mutin et menteur, on verra qu’Andries, une fois hors de la portée des lois, causa plus de malheurs et de troubles à l’expédition que ne peuvent le comprendre ceux qui n’ont jamais été assez infortunés pour se trouver exposés aux machinations d’un si dangereux bandit. » Au reste, ce portrait peut, avec quelques légers changemens, convenir à presque tous les Hottentots. En vain les voyageurs cherchèrent à engager d’autres recrues : les uns ne voulaient pas quitter leurs femmes, les autres