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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

Maritz ; aussi trouva-t-il, à son retour dans la colonie, toutes les têtes tournées par le succès de cette expédition ; la manie de l’émigration avait, comme une véritable épidémie, fait des progrès rapides. « La promesse de terres illimitées possédées sans taxe ni impôts tenta des centaines de colons que leur éloignement de la frontière avait rendus moins prompts à s’enflammer ; d’autres qui, comme la chauve-souris de la fable, attendaient prudemment l’issue des choses, proclamèrent enfin ouvertement leur horreur de la domination anglaise. Il y en avait aussi qui, agissant, disaient-ils, au nom de la parenté, allaient parce que les leurs étaient partis : ceux-ci mus par l’ambition, par le goût des aventures et de la vie nomade ; ceux-là, et c’était le plus grand nombre, par le désir naturel d’avoir part au butin. Pendant des semaines, la frontière fut dans une grande fermentation : chaque jour, on voyait de longues caravanes de Hollandais se plonger dans le désert, et se rallier aux drapeaux de leurs compatriotes expatriés. »

Ainsi, voilà que l’amour de l’indépendance se traduit chez les Hollandais pacifiques et prudens par une aveugle folie qui les pousse à entreprendre sans réflexion des expéditions extravagantes et téméraires ! En avril 1837, Piet Retif, commandant de Winterberg, officier brave et distingué, se trouvant, avec une forte division de cavalerie, campé à une assez grande distance de la troupe de Maritz, céda aux instances de ses compatriotes, et accepta le titre de gouverneur et général en chef. Digne de remplir ce poste éminent, Retief donna des preuves de sa capacité en nommant des officiers, dictant des lois sages, et surtout en passant des traités avec les tribus voisines, Basutos, Barolongs, Baharootzis et Lishuanis, toutes ennemies déclarées de Moselekatse. Ces dispositions une fois prises, les émigrans retournèrent vers le lieu du premier désastre, et, en mai 1837, « plus de mille chariots et environ mille six cents hommes en état de porter les armes, avec leurs femmes, leurs enfans, leurs esclaves, se trouvèrent réunis au confluent des deux grands bras de la Vet-River. Un commando de cinq cents hommes devait partir le 1er  juin pour aller demander à Moselekatse une cession de territoire ou pour détruire le despote ; alors ils seraient tous allés vers Triechard, et là ils devaient poser la première pierre de leur ville ; New-Amsterdam devait lever son front au sein même du désert. »

Cependant le prudent Matabili se retira en lieu de sûreté au-delà du tropique, attendant une occasion de porter aux émigrans le coup décisif dont ils le menaçaient eux-mêmes. La discorde se mit dans le