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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

Retief promit de remettre à Dingaan les troupeaux volés et les voleurs ; il ne tint sa promesse qu’en partie, car il se garda bien de livrer à son ennemi Sikonyela, avec qui il avait toujours eu des relations amicales. Sans doute le despote zooloo se mit dans une terrible colère quand il se vit frustré dans sa vengeance, et, de la part du chef des émigrans, c’était une louable et généreuse action d’avoir risqué de nuire à ses intérêts en sauvant la vie à un sauvage. Enfin, le traité fut conclu, et Dingaan céda aux Hollandais tout le pays appelé Natal, entre Tugala et Unzimvooboo. D’après cette convention, la nouvelle colonie se trouvait complètement en dehors de la domination anglaise, établie dans un pays aussi distinct des possessions du Cap que le sont celles des Portugais à Mozambique.

« Mais, dit le capitaine Harris, il était écrit dans la destinée de Retief qu’il n’aborderait jamais cette terre promise. » Une brillante victoire remportée sur Moselekatse, un riche territoire concédé par Dingaan, des traités conclus avec toutes les tribus kafres, tels étaient les résultats de cette campagne, dont le commencement avait été si fatal ; un tel succès aveugla les émigrans, et leur imprudence les perdit. Dans la matinée du 6 février 1838, les Hollandais compagnons de Retief sellaient leurs chevaux pour retourner au camp, heureux d’y apporter une si bonne nouvelle ; tout était terminé ; ils se voyaient déjà, paisibles habitans des plaines de Natal, occupés à faire paître leur bétail dans un pays nouveau où aucun joug ne pèserait sur eux, où aucun souvenir amer ne troublerait leur repos. Ils allaient donc partir quand Dingaan les pria de rester pour être témoins d’une fête brillante donnée en leur honneur. Afin qu’ils prissent eux-mêmes aux danses une part active, il désira qu’ils laissassent loin d’eux leurs armes à feu. Un jeune homme de la troupe, Thomas Halstead, venait d’être secrètement averti qu’il se tramait une trahison ; il en informa Retief, le supplia de ne pas s’abandonner à la merci des sauvages ; son avis ne fut pas écouté, et Thomas seul cacha dans sa manche un poignard.

Les danseurs étaient trois mille Zooloos qui, selon la coutume, avançaient et reculaient ; peu à peu ils se rapprochèrent du centre, serrant toujours de plus près les émigrans. Enfin au signal donné par Dingaan, et tandis que les Hollandais sans défiance buvaient la bière fermentée qu’on leur versait largement, les sauvages se précipitèrent sur leurs victimes. Ces infortunés furent traînés par les cheveux jusqu’au bord de la rivière, à un mille de là ; après avoir d’abord assommé Retief avec une certaine ostentation de perfidie, ils brisèrent le crâne des uns avec des massues et tordirent le cou des autres.