Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
245
EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

pour recevoir les débris de cette émigration, naguère pleine d’espérance et de courage, et encore fallut-il protéger l’embarquement à coups de canon.

Il ne restait plus que la division de Maritz, que nous avons laissée au-delà des monts Drakenberg. Autour d’elle se rallièrent les émigrans dispersés sur les bords des rivières Reit et Modder. Mille autres colons passèrent encore la frontière pour partager leurs périls, et, avec plus de prudence que leurs devanciers, ils arrivèrent tous à Port-Natal, dont ils prirent possession au nom des camps-unis, fondant de nouveau, avec une incroyable audace et une ténacité sans exemple, cette colonie indépendante rêvée par tous les mécontens.

Cependant le gouvernement anglais faisait des efforts toujours inutiles pour arrêter cette fièvre d’émigration ; les magistrats, les ministres de l’église réformée, étaient priés d’employer tous les moyens possibles de persuasion pour détourner les colons d’accomplir leurs projets. Le gouverneur-général chargea un officier d’état-major de faire un rapport sur l’état des établissemens de Port-Natal, et de déclarer aux Hollandais que tous ceux qui voudraient rentrer dans les limites des possessions anglaises seraient amnistiés, reçus à bras ouverts sans être inquiétés, ni pour ce crime de désertion, ni pour aucun acte que l’on pût qualifier de rébellion. Le nombre de ceux qui rentrèrent fut très minime, et ce durent être des Anglais ou des hommes de couleur, car les Hollandais ayant consulté les femmes dans un grand conseil, selon leur antique usage, celles-ci aimèrent mieux courir les chances d’une mort cruelle, ou au moins celles d’une guerre incessante, que de fouler encore le sol maudit de la colonie. La proclamation adressée par le gouvernement anglais aux émigrans était capable de produire un effet instantané sur des têtes moins échauffées que celles des Hollandais par des griefs anciens et des malheurs récens. Le gouvernement avait senti quelle responsabilité pesait sur lui ; ne pouvait-on pas l’accuser d’être la cause des désastres que les émigrans venaient d’éprouver par la négligence qu’il avait apportée à écouter leurs plaintes ? À des maux déjà si aggravés, il fallait de prompts remèdes, et le langage du gouverneur, si paternel qu’il faisait aux émigrans toutes les avances, prouve deux choses : qu’on avait jusqu’alors traité les Hollandais avec un certain mépris, et que leur absence faisait dépérir à vue d’œil la colonie, jadis si florissante.

Ne faut-il voir dans ce refus d’accepter une amnistie pleine et entière autre chose qu’un amour-propre excessif, une obstination