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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

sujette à l’instabilité des choses humaines ; plus il y a d’harmonie, et plus sa fortune est assurée. » Pour ce qui est du principe du beau en musique, il le trouve bien moins intellectuel et par suite bien moins universel que dans la peinture ou tout autre art. Il y a dans ces Lettres une partie d’érudition dont nous ne faisons pas honneur à M. de Stendhal, mais qui contient un résumé très substantiel de l’histoire de la musique.

La Vie de Mozart ne sort guère du cadre purement biographique ; mais la Vie de Rossini nous paraît être un chef-d’œuvre de critique musicale. Les idées y fourmillent et dénotent une intelligence de la musique, de ses élémens constitutifs, de ses moyens, de ses besoins, qui atteste une longue étude, aidée d’une puissante faculté d’observation et d’analyse, et, par-dessus tout cela, du feu, de la verve, de l’esprit à foison. M. de Stendhal était fait pour écrire des biographies comme celle de Rossini, génie original et fécond, homme spirituel, fantasque, insouciant, prodigue de tout ce que la nature lui a prodigué, plein de mouvemens imprévus, composant et vivant d’inspiration, sans s’inquiéter, soit comme homme, soit comme artiste, d’autre chose que de son plaisir. Vie singulière, animée, diverse, et toute faite d’anecdotes. Pour M. de Stendhal, qui trouvait là presque son idéal, c’était une véritable aubaine. Aussi nous apprend-il que, de tous ses ouvrages, c’est le seul qui fut lu sur-le-champ par la bonne compagnie. Cet ouvrage d’ailleurs, comme généralement ceux de M. Beyle, est fait au pied-levé et au courant de la plume, sans économie, sans vues d’ensemble. Tout y est bien peint, le livre est mal dessiné.

Dans son livre de l’Amour, M. Beyle a osé aborder le plus épuisé de tous les sujets, s’il est vrai, comme nous commençons à en douter, qu’un sujet puisse être épuisé, ou, ce qui revient au même, qu’un sujet puisse ne pas l’être. Ce qui nous frappe tout d’abord dans cet ouvrage, c’est qu’il est beaucoup trop long. Il semble que M. Beyle l’ait écrit non pour ce qu’il avait à dire, mais qu’il ait cherché à dire le plus possible pour échapper au désœuvrement ou à des ennuis, pour tuer le temps ou un chagrin. Quelques mots perdus dans le cours de l’ouvrage, et notamment un petit chapitre de deux phrases, viendraient volontiers à l’appui de cette conjecture. « Je fais, dit l’auteur, tous les efforts possibles pour être sec. Je veux imposer silence à mon cœur, qui croit avoir beaucoup à dire ; je tremble toujours de n’avoir écrit qu’un soupir, quand je crois avoir noté une vérité. » Cependant, avec M. de Stendhal, il ne faut pas trop se fier à