Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
LA SAUVAGE.

Tourne sur tes enfans tes grands yeux attendris,
Ma sœur, et sur ton sein. Cherche bien si la vie
Y coule pour toi seule. Es-tu donc assouvie
Quand brille la santé sur ton front triomphant ?
Que dit le sein fécond de la mère à l’enfant ?
Que disent en courant les veines azurées ?
Que disent en tombant les gouttes épurées ?
Que dit le cœur qui bat et les pousse à grands flots ?
Ah ! le sein et le cœur, dans leurs divins sanglots
Où les soupirs d’amour aux douleurs se confondent,
Aux morsures d’enfant le cœur, le sein, répondent :
« À toi mon ame, à toi ma vie, à toi mon sang,
« Qui du cœur de ma mère au fond du tien descend,
« Et n’a passé par moi, par mes chastes mamelles,
« Qu’issu du philtre pur des sources maternelles ;
« Que tout ce qui fut mien soit tien, ainsi que lui ! »
..................
— Oui ! dit la blonde Anglaise en l’interrompant. — Oui !
Répéta l’Indienne en offrant le breuvage
De son sein nud et brun à son enfant sauvage,
Tandis que l’autre fils lui tendait ses deux bras.


« — Sois donc notre convive, avec nous tu vivras.
Poursuivit le jeune homme, et peut-être, chrétienne
Un jour, ma forte loi, femme, sera la tienne,
Et tu célébreras avec nous, tes amis,
La fête de Noël au foyer de tes fils. »


Cte Alfred de Vigny.


Les Poèmes philosophiques, dont celui-ci est le premier, formeront un recueil qui doit faire suite aux Poèmes antiques et modernes de M. de Vigny.