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pas l’analyse de la raison ? J’entends bien que M. Maret l’accuse de panthéisme pour avoir dit que le fonds de la raison humaine n’est autre chose que l’idée même de Dieu qui lui apparaît ; mais c’est un point que nous laisserons M. Maret discuter contre saint Augustin. Il suffit d’ouvrir les livres de M. Cousin, si les souvenirs ne suffisent pas. L’adversaire qu’il avait à combattre, on ne peut l’avoir oublié, si bas que M. Cousin l’ait réduit, c’est le sensualisme. M. Cousin prenait une à une les idées de la raison ; il les étudiait en elles-mêmes, et ensuite les opposait à l’idée sensible correspondante, pour démontrer, et il le faisait à outrance, la profonde, l’éternelle, l’ineffaçable différence qui les sépare. Mais quoi ! cette doctrine qui trace une telle séparation entre les idées sensibles et les idées rationnelles, cette école qui se consume à montrer qu’il n’y a rien dans les sens ni dans leurs objets que d’éphémère et de passager, qu’il faut donc regarder plus haut, qu’il faut chercher ailleurs pour trouver ce qui persiste éternellement, le digne objet de la pensée et de l’amour, la cause de ce qui est, la cause, la raison du monde, c’est cette école que vous accusez de mettre le nécessaire dans le contingent, le fini dans l’infini, et de confondre le monde avec Dieu ! tandis que le maître et les disciples qui couvrent la France vous crient tout d’une voix que le panthéisme est une impiété, que Dieu est la cause du monde séparée du monde, et qu’avec tout votre zèle vous n’avez pas encore assez combattu ce fléau que vous leur attribuez, et que pour le terrasser on enseigne dans leurs écoles des argumens plus puissans que les vôtres !

Mais l’argument triomphant contre M. Cousin, l’argument sans réplique, c’est, dans les quinze ou vingt volumes que M. Cousin a publiés, une phrase ! Cette phrase contient une énumération des attributs de Dieu, et, prise isolément, elle renferme une assertion panthéiste. Nul doute après cela ! On a extrait une phrase panthéiste des ouvrages de M. Cousin ; donc il est panthéiste, donc l’école éclectique et l’Université tout entière sont panthéistes. Est-ce là un argument philosophique ? N’est-ce pas plutôt un argument de parti ? Ne vous suffit-il pas que M. Cousin désavoue le sens que vous prêtez à cette phrase ? Quand il s’agirait d’un mort, on pourrait résister à votre interprétation en se servant du reste de sa doctrine. Mais il est là pour protester ; ne parle-t-il pas assez haut ? Dieu est temps, selon M. Cousin ; or, le temps est limité ; donc Dieu est limité, suivant M. Cousin. Quoique ce raisonnement soit d’un évêque, il pèche par sa base ; car M. Cousin enseigne deux choses, l’une que la durée