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ÉTAT DE LA PHILOSOPHIE EN FRANCE.

composé en majorité d’étudians en droit, sa tâche devait être d’exposer les principes fondamentaux de la morale. Quelle ressource, en effet, pour l’étude de la jurisprudence, qu’une analyse approfondie des divers mobiles qui gouvernent les actions des hommes, et une exposition ferme, démonstrative de cette loi naturelle, dont la loi positive ne doit être que l’application, et qu’on ne saurait nier ni subordonner aux lois humaines, sans renoncer à la véritable notion du droit, et sans absorber toute autorité dans l’usage arbitraire de la force. M. Riaux, professeur à la faculté de Rennes, fait l’histoire du XVIIIe siècle ; matière riche et abondante qui lui fournit l’occasion de démontrer par l’exemple combien est juste et nécessaire la devise écrite par M. Cousin sur le drapeau de l’éclectisme, indépendance et modération. Ce sont là, certes, les meilleures réponses aux calomnies dont l’Université est l’objet : pendant que d’un côté on l’accuse de sacrifier les droits sacrés de la liberté et de l’autre de ne garder aucune mesure et de préconiser l’anarchie des intelligences ; pendant qu’on transforme sa morale en je ne sais quelle école de dépravation, qui ne trouverait pas un auditoire en France, quoiqu’il s’y trouve des dupes pour ajouter foi à ces calomnies ; pendant qu’on assure ouvertement que sa métaphysique est panthéiste, ses professeurs les plus distingués emploient tout leur zèle à soutenir des doctrines diamétralement contraires, et ils le font avec d’autant plus de sécurité, qu’ils n’ont pas à craindre le reproche d’avoir changé dans leurs opinions, et qu’ils savent bien, comme le savent au reste la plupart de leurs ennemis, que l’Université n’a jamais tenu un autre langage. À Dijon, M. Tissot, dans son discours d’ouverture de cette année, a démontré que la philosophie est au-dessus des disputes des philosophes, et qu’il est indigne d’un sage de rien conclure contre la science des contradictions où les savans peuvent tomber. Quelques cours n’ont pas une utilité aussi immédiate, quoiqu’il n’y en ait pas un seul qui ne traite un sujet important. M. Delcasso à Strasbourg, M. Ladevi-Roche à Bordeaux, s’occupent à réfuter le fouriérisme, qui n’est peut-être pas de toutes les utopies la plus immédiatement dangereuse. À Caen, M. Charma fait l’histoire de la philosophie grecque ; à Besançon, M. Peyron fait l’histoire de la logique ; le professeur de Montpellier, M. l’abbé Flottes, qui l’année dernière traitait des signes, fait cette année une théorie de l’habitude. Une aussi grave question de psychologie a sans doute de quoi intéresser la jeune population de l’école de médecine, mais répond-elle véritablement à ses plus pressans besoins ? Il n’y a peut-être pas de chaire en France