Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
406
REVUE DES DEUX MONDES.

première a réalisé un fonds de 25 millions. Les condamnés ont été chargés, moyennant un prix convenu, de défricher le sol pour les nouveaux colons. Le rayon des terres cultivées s’est étendu par-delà les Montagnes Bleues. Le canton des Plaines, cette immense solitude, s’est peuplé de pâtres et de bestiaux. L’Australie a commencé à fournir les laines qui servent à tisser les étoffes de Leeds et de Manchester. La colonie se peuplant, les institutions qui annoncent une société civilisée y ont pris naissance. Les villes se sont fondées ou agrandies, et ont semé les villages autour d’elles. Sydney couvre aujourd’hui une étendue de 2,000 acres et renferme 20,000 habitans. Les routes se sont multipliées, et les voitures publiques les parcourent, comme si l’on n’était pas sur la limite du désert. Hobart-Town et Sydney ont leurs banques et leurs journaux quotidiens, sans parler des théâtres, des clubs et des courses de chevaux.

Un discours récent du ministre des colonies, lord Stanley, montre que le commerce entre la Nouvelle-Galles et la métropole a pris, en quelques années, un développement sans exemple. En 1835, les exportations de la colonie s’élevaient à 682,000 liv. st. (17,186,400 fr.) ; en 1840, elles ont représenté une valeur de 1,251,000 livres sterling (31,525,200 fr.). Les importations, qui se composent, pour les deux tiers, de produits manufacturés en Angleterre, étaient en 1835 de 787,000 liv. sterl. (19,832,400 fr.) ; en 1840, elles se sont élevées à 2,600,000  liv. sterl. (65,520,000 fr.). Enfin, les colons de l’Australie, qui avaient fourni à l’Angleterre 9,000 quintaux de laine en 1830, en ont expédié en 1840 près de 80,000 quintaux.

Le prodigieux développement de la richesse dans l’Australie ne doit pas être uniquement attribué aux progrès de l’émigration volontaire. Les émigrans libres ont apporté leurs capitaux et leur expérience ; mais ils ont trouvé un puissant secours dans le travail des condamnés, et l’on peut dire qu’ils n’ont eu que le mérite de mettre en œuvre les matériaux que le gouvernement leur avait par avance préparés. Ce phénomène social est décrit et jugé dans le rapport de la chambre des communes (1838) avec une grande supériorité.

« Les condamnés étaient assignés comme esclaves aux planteurs ; ils étaient forcés de travailler en combinant leurs efforts, et produisaient plus qu’ils ne pouvaient consommer ; pour cet excédant, le gouvernement avait ouvert un marché, en défrayant un établissement militaire et pénal qui a coûté à l’Angleterre plus de 7 millions liv. st. (près de 200 millions de fr.). Ainsi, le gouvernement a d’abord fourni le travail aux planteurs, puis il leur a acheté le produit de ce