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LES COLONIES PÉNALES DE L’ANGLETERRE.

au mal moral qui résulte nécessairement d’un contact intime et journalier entre tant de malfaiteurs, et que doit augmenter l’oisiveté obligée d’un voyage de six mois[1].

À l’arrivée de chaque transport, le secrétaire du gouvernement colonial passe la revue des condamnés, et reçoit les plaintes qu’ils peuvent avoir à élever. Les hommes sont ensuite logés provisoirement dans les baraques destinées à cet usage, tandis que les femmes sont enfermées dans les pénitenciers ou ateliers du gouvernement. Le surintendant des condamnés vient ensuite classer les nouveaux arrivans. L’âge, le caractère et l’aptitude de chacun sont, autant que possible, constatés. Ceux qui ont reçu une éducation professionnelle sont réservés pour les ateliers de l’état, avec un certain nombre de simples manœuvres. La plupart des condamnés sont distribués entre les planteurs en qualité d’engagés (assigned servants). Les plus dépravés, ceux dont on désespère, sont relégués dans les établissemens disciplinaires de l’île de Norfolk, de la baie de Moreton et de la presqu’île de Tasman.

En 1836, le nombre des condamnés engagés ou assignés s’élevait à 6,475 dans la terre de Van-Diemen ; il était de 20,207 dans la Nouvelle-Galles en 1837. Cette espèce de servitude était donc la condition la plus générale des déportés, dont elle comprenait les cinq septièmes dans la Nouvelle-Galles, et la moitié dans la terre de Van-Diemen. On peut dire que les autres peines ne sont, dans l’une et l’autre colonie, que l’accessoire de celle-là. C’est donc par la nature ainsi que par les résultats de ce mode de châtiment, qu’il faut principalement juger de la moralité et de l’efficacité de la déportation.

Les occupations auxquelles se livraient les déportés avant leur condamnation déterminent généralement leur sort dans les colonies pénales. Ceux qui servaient comme domestiques en Angleterre sont voués, en Australie, à la domesticité ; il n’y a pas un domestique dans les colonies qui n’ait commencé par être un malfaiteur. On aurait de la peine à imaginer une peine moins rigoureuse. Ceux qui en sont

  1. « Il y avait 108 femmes condamnées à bord, dont 12 avaient des enfans. Les femmes et les enfans étaient toujours ensemble ; les lits, placés dans toute la longueur du navire, étaient séparés de trois en trois par des planches, et chaque lit servait pour trois personnes. Les femmes qui avaient un enfant avaient également deux compagnes de lit. Jamais, affirme John Owen, langage plus obscène n’avait frappé son oreille ; la présence des enfans n’arrêtait point ce débordement de paroles dégoûtantes ; souvent même l’on était obligé de recourir à l’eau que l’on jetait à pleins seaux sur ces femmes pour les empêcher de se mêler aux matelots de l’équipage. » (Faits relatifs au transport l’Amphitrite, cités par M. de La Pilorgerie.)