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reur qu’inspire le châtiment, ceux qui auraient la tentation de les commettre, et en réformant, par un bon système disciplinaire, les coupables qui se trouvent sous la main de la loi. Nous avons déjà vu que la déportation n’avait pas été établie dans un but d’amendement, et qu’elle dépravait au contraire les condamnés, dont un certain nombre sont destinés à revoir la mère-patrie. Il nous reste à montrer que cette peine, réduite à sa propre vertu, n’exerce, sur l’esprit des malfaiteurs novices ou émérites, aucun effet d’intimidation.

La déportation, telle que l’ont faite cinquante années d’expérience, n’est pas une peine simple ; c’est une succession de peines qui embrassent tous les degrés de la souffrance, depuis la gêne la plus légère apportée à la liberté d’action jusqu’à la torture la plus excessive et la plus prolongée. Ce que les condamnés en supportent en moyenne constitue sans contredit un châtiment qui ne manque pas de sévérité ; mais, si l’on veut juger de l’effet que produit la déportation sur les esprits, il faut moins considérer la somme réelle de douleur qu’elle inflige aux coupables que l’opinion qu’en conçoivent ceux qui sont à la veille de commettre un délit. Or, ce qui est certain, c’est que la race des malfaiteurs, et même l’opinion publique, dans la Grande-Bretagne, s’exagèrent l’indulgence avec laquelle sont traités les déportés dans les colonies. On ne redoute guère plus la déportation que le simple exil. Il arrive quelquefois que les soldats désertent pour se faire envoyer à la Nouvelle-Galles, et pour obtenir ainsi le même traitement que les criminels. Combien d’ouvriers, dans les temps calamiteux, commettent des vols avec l’espoir d’être déportés dans les colonies pénales, où ils trouveront du moins du travail et du pain assurés !

« La déportation, dit le rapport de 1838, est principalement redoutée des délinquans que l’on pourrait appeler les criminels par accident, de ceux qui ne font pas métier du crime, qui n’ont cédé, en violant les lois du pays, qu’à l’impulsion du moment, et en qui tout bon sentiment n’est pas éteint ; mais elle n’effraie pas le moins du monde la classe la plus nombreuse des malfaiteurs, les criminels d’habitude, qui composent ce que l’on appelle, à proprement parler, la population criminelle du pays, les voleurs par état, les coupeurs de bourse, les bandits de grand chemin, enfin tous ceux qui vivent de la répétition de ces délits, et qui, ayant perdu toute aversion pour le crime, ne peuvent plus être contenus que par la terreur. Ceux-là doivent envisager sans éloignement la chance d’être exilés dans l’Australie, où ils entendent dire que les salaires sont élevés, où ils sa-