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LES COLONIES PÉNALES DE L’ANGLETERRE.

vent qu’ils trouveront la nourriture et les vêtemens en abondance, et où ils doivent rencontrer d’anciens compagnons de crime, la plupart dans une situation prospère et honorée.

« L’état d’esprit d’un individu qui va commettre un crime est exactement celui d’un joueur ; il s’arrête avec satisfaction à toutes les chances favorables, dédaigne celles qui sont contraires, et croit qu’il n’arrivera que ce qui s’accorde avec ses désirs. Il se flatte, s’il commet un crime, de n’être pas découvert ; s’il est découvert, de n’être pas condamné ; s’il est déporté, d’être envoyé à la Nouvelle-Galles ; s’il est envoyé à la Nouvelle-Galles, de ne pas s’y trouver plus mal que certains de ses complices qui ont fait fortune là-bas. »

Ainsi, la déportation n’est pas un épouvantail pour la classe la plus nombreuse des malfaiteurs, pour ceux qui font métier d’enfreindre les lois sociales, pour ceux qui, devenus insensibles à toutes les émotions honnêtes du cœur humain, ne peuvent plus être contenus que par la terreur. Où l’on voulait poser la digue du crime, il se trouve que l’on a ouvert une large brèche par laquelle s’écoule cet impur et inépuisable torrent. Un témoin entendu dans l’enquête de 1831, cherchant à expliquer un tel état de choses, déclare que, si la déportation intimide peu, cela vient de ce que le régime de cette peine ne répond pas à l’intention du législateur (the spirit of the sentence is not carried into effect). Reste à savoir s’il était possible d’imprimer à la déportation un caractère vraiment pénal, et si les créateurs du système ne s’étaient pas fait illusion sur l’avenir de cette institution.

Si l’on veut produire un effet d’intimidation, c’est moins à la sévérité qu’à la certitude de la peine qu’il faut viser. La déportation pèche contre le premier principe de toute législation pénale en présentant des châtimens multiples, variables, et par conséquent incertains. Aussi les criminalistes les plus clairvoyans ont-ils cessé de la considérer comme une peine, et l’archevêque de Dublin, M. Whately, a pu dire, non sans quelque apparence de raison : « C’est une véritable plaisanterie que de donner à un système tel que celui-là le nom de système pénal. La prudence conseillerait à plusieurs milliers de personnes en Irlande et dans le midi de l’Angleterre de commettre un crime qui leur valût d’être condamnées à sept ans de déportation dans la Nouvelle-Galles. Les dépenses du voyage leur seraient ainsi payées ; même la courte durée d’une servitude de quatre ans serait une grande amélioration dans leur sort ; viendrait ensuite la récompense sous la forme d’un congé provisoire, avec la liberté de tra-