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DISCOURS PARLEMENTAIRES.

plus déraisonnables. Alors toute prudence se trouva méconnue, et les moyens les plus insensés furent choisis comme les plus efficaces et les plus sûrs. Le dénouement ne se fit pas attendre. La charte, offensée par la démence de ceux qu’elle déclarait inviolables, réagit avec toute la puissance des forces révolutionnaires qui s’étaient mises sous son égide. Cette fois, ces forces avaient le droit pour elles ; sur la défensive, elles étaient invincibles.

La restauration, dans le choix des hommes qu’elle avait à prendre pour ministres, montrait une certaine défiance contre ceux qui avaient servi un autre gouvernement ; même quand elle les acceptait, elle ne se livrait pas tout-à-fait à eux. Cette réserve était naturelle ; mais parmi les royalistes il y eut deux hommes dont la monarchie restaurée pouvait tirer le plus grand parti, et qui, tout en étant employés par elle, n’ont pas, pour parler avec le cardinal de Retz, rempli tout leur mérite : c’est M. de Châteaubriand et M. de Villèle. Tous les deux avaient l’entière confiance des royalistes, tous les deux avaient sur la société nouvelle de puissans moyens d’influence. M. de Châteaubriand parlait vivement à l’imagination et à l’ame des jeunes générations ; il leur présentait l’union féconde des anciennes croyances avec les idées nouvelles, de l’antique gloire de la monarchie avec le vif éclat des premières années du siècle. S’il eût été investi de tout le pouvoir dont il était digne, M. de Châteaubriand eût fini par amener à la cause royale une grande partie des forces de la littérature et de la jeunesse. Cependant M. de Villèle, mandataire habile des intérêts les plus positifs des royalistes, chef aimé et suivi par les propriétaires et les gentilshommes des provinces qui formaient la phalange du côté droit, s’était mis en rapport avec la banque, le commerce et l’industrie, et travaillait à faire concourir ces grandes puissances à la prospérité, non-seulement de la monarchie, mais de son parti. L’action combinée de MM. de Châteaubriand et de Villèle, leur accord maintenu avec franchise et constance eût exercé une influence salutaire et décisive, en ce sens qu’il eût fini par écarter de la pensée du côté droit tout projet de contre-révolution par des voies exceptionnelles. Le temps a manqué à la restauration pour transformer les questions, ce qui est une manière de les résoudre. Admirons la fatalité : c’est M. de Villèle qui proscrivit M. de Châteaubriand ; l’esprit des affaires rompit son association avec l’éclat de la renommée et du génie, et l’auteur de la Monarchie selon la charte passe à l’opposition, qui ouvre ses rangs pour le recevoir : elle ne