Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
503
LA PRESSE ET LES ÉLECTIONS ESPAGNOLES.

Ce journal a joué un très grand rôle, peut-être le premier, dans l’histoire de la révolution espagnole. Il a été jusqu’à ces derniers temps l’organe tout-puissant du parti progressiste. Il a commencé à paraître un peu avant la mort de Ferdinand VII. Son principal rédacteur a été long-temps M. Caballero, qui est devenu depuis député, et qui est un des hommes les plus actifs et les plus habiles de son parti. De 1834 à 1840, l’Eco del Comercio a été le centre où venaient aboutir toutes les menées révolutionnaires. MM. Arguelles, Calatrava, Mendizabal, tous les chefs du mouvement, l’ont aidé de tous leurs moyens et en ont fait le principal instrument de leur influence. C’est sa polémique hardie et violente qui a préparé les différens coups frappés par le parti exalté, et en particulier l’insurrection de la Granja et la révolte de septembre.

Après 1840, il est arrivé à l’ancien parti exalté ce qui arrive à tous les partis vainqueurs. Il s’est dissous. Une portion a passé sous les drapeaux des ayacuchos ou de la faction militaire ; une autre s’est faite républicaine ; le reste a constitué une espèce de tiers-parti qui obéit à MM. Olozaga et Cortina, et qui, comme tous les tiers-partis, n’est pas assez caractérisé pour alimenter un organe. Il en est résulté que l’Eco del Comercio a tout à coup vu son public lui échapper ; il s’est comme enseveli dans son triomphe. C’était la régence de la reine Christine qui l’avait fait vivre. La régente exclue, il a été fort embarrassé ; il a traîné encore quelque temps après ce coup-fourré, puis il s’est transformé.

Ce grand évènement est arrivé il y a quelques mois. Il a passé inaperçu au milieu de beaucoup d’autres, mais il ne laisse pas que de mériter l’attention de ceux qui aiment à méditer sur les lois du monde politique. Un agent de l’infant don Francisco a acheté l’Eco del Comercio. Le titre est resté, mais l’ancienne vie s’en est allée. Aujourd’hui ce journal n’est guère plus que l’ombre de lui-même, et, s’il a toujours la même haine contre la reine Christine, il ne la puise plus dans les emportemens de l’esprit révolutionnaire, mais dans les suggestions intéressées d’une camarilla.

Depuis la décadence de l’Eco del Comercio, le premier rang dans la presse de Madrid appartient au journal des modérés, qui s’appelait naguère le Correo nacional (Courrier national), et qui s’appelle aujourd’hui l’Heraldo (le Héraut). Du temps où les modérés occupaient le pouvoir, plusieurs journaux ont essayé de se fonder pour les représenter ; on a vu d’abord l’Espagnol, qui a été long-temps, par son caractère et son format, un des plus beaux journaux de l’Europe, puis la Ley (la Loi), el Porvenir (l’Avenir), el Piloto (le Pilote), etc. Toutes ces feuilles se sont successivement fondues dans une seule, le Correo nacional, qui est devenu l’organe généralement accepté du parti.

C’est surtout après l’exclusion de la reine Christine que la presse modérée a montré de la vigueur et de l’éclat. Les Espagnols ne sont arrivés qu’alors à cette période de la vie politique des nations libres où les opinions gouvernementales peuvent être soutenues avec la même verve que les idées subver-