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une diversion dont il s’est empressé de profiter. Cet évènement malheureux sous tous les rapports, mais qui n’a pas eu toutes les conséquences qu’on en espérait, c’est le soulèvement de Barcelone.

Nous ne reviendrons pas sur les détails, maintenant bien connus, de cette douloureuse histoire. Nous nous bornerons à rappeler les faits principaux.

Depuis long-temps, les exactions du capitaine-général Van Halen, les cruautés du général Zurbano, et surtout le bruit d’un prochain traité de commerce entre l’Espagne et l’Angleterre, qui ruinerait les fabriques de la Catalogne, entretenaient à Barcelone une vive irritation. Le ressentiment populaire, si facile à soulever dans cette ville industrieuse et de tout temps turbulente, était encore excité par les publications furibondes d’un journal, le Republicano. Une échauffourée entre des ouvriers qui voulaient faire entrer du vin sans payer de droits et les soldats qui gardaient la porte de ville amena la première collision. L’arrestation du rédacteur du Republicano acheva de monter les têtes. Il y a à Barcelone plusieurs milliers d’ouvriers que le baron de Meer avait désarmés et qui avaient été réintégrés dans la garde nationale à la suite de l’émeute de 1840, fomentée par Espartero contre la reine-mère. Ces ouvriers prirent les armes ; Van Halen résista faiblement, les troupes évacuèrent la ville après deux jours de combat. Restés maîtres de Barcelone et assez étonnés de l’être, les insurgés ne surent quel drapeau arborer ; la division ne tarda pas à se mettre parmi eux, et bientôt il devint évident qu’ils étaient hors d’état de résister à une attaque.

Quant au gouvernement, il reçut avec joie la première nouvelle du mouvement. Il y vit une occasion de frapper de terreur tous ses ennemis à la fois et d’échapper à la discussion à la faveur du péril. Le régent se hâta de proroger les chambres et de partir lui-même pour se mettre à la tête de la répression. Un grand appareil militaire fut déployé. Des troupes reçurent l’ordre de marcher de toutes parts sur Barcelone. Le ministre anglais offrit son concours, qui fut accepté ; des vaisseaux de la marine royale britannique reçurent à Gibraltar l’ordre de se rendre devant la ville rebelle. Des paroles d’une violence calculée furent prononcées par le régent, soit avant son départ de Madrid, soit pendant son voyage, pour effrayer tous les mutins par la menace d’un châtiment exemplaire. C’est en vain que les citoyens les plus notables de Barcelone, et parmi eux l’évêque du diocèse, intercédèrent pour épargner à la ville la vengeance d’Espartero. Barcelone, à demi soumise, fut bombardée sans pitié ; l’armée reprit possession de la citadelle au milieu de l’incendie. Au défaut des chefs qui étaient en fuite, des malheureux obscurs furent fusillés sans jugement régulier ; une contribution extraordinaire de guerre fut frappée comme en pays ennemi ; le désarmement général de la Catalogne fut effectué par la force. En ce moment, ces mesures sauvages s’exécutent encore.

L’Espagne peut bien exister sans la Catalogne (bien puede existir España sin Cataluna), criait, dit-on, Zurbano le jour de la révolte, quand il engageait ses soldats à charger dans la ville, en leur promettant le pillage de