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réuni à la nouvelle rédaction ; mais le paragraphe disant toujours que les populations chrétiennes de la Syrie avaient obtenu une administration conforme à leur foi et à leurs vœux, M. Berryer a proposé de dire seulement : « L’établissement d’une administration plus régulière. » Cet amendement, vivement combattu par le ministère et par le rapporteur de la commission, soutenu par MM. Dufaure, Lamartine et Vivien, a été adopté au scrutin secret à la majorité de 206 voix contre 203.

Mais encore une fois, et les affaires d’Orient et les autres points de l’adresse ne sont dans ce moment que des questions secondaires et qui ne fixent nullement l’attention du public. C’est sur le droit de visite qu’elle se concentre. On sent que cette question pourrait seule avoir une double et grande portée, un plus grand refroidissement dans nos relations avec l’Angleterre, peut-être même une sorte de brouillerie et une crise ministérielle. C’est là ce que les uns espèrent, ce que les autres craignent. Inde irae.

Jusqu’ici les chefs des grandes fractions de la chambre n’ont pas abordé la tribune au sujet du droit de visite. On n’a pas entendu M. Thiers, M. Barrot, MM. Dufaure et Passy, M. Berryer. Il serait singulier qu’une discussion qui pourrait avoir de si graves conséquences n’amenât, en présence des ministres, aucun des chefs reconnus dans les rangs anti-ministériels ou peu ministériels de la chambre. Disons cependant qu’on annonce un discours de M. Odilon-Barrot.

Les Valaques ont nommé leur nouvel hospodar. C’est M. Bibesco. Les uns s’obstinent à ne voir en lui qu’une créature de la Russie ; les autres, se rappelant qu’il a été élevé en France, comptent sur ses sentimens de reconnaissance et d’affection envers le pays qui lui a été une seconde patrie. C’est en France qu’il est né à la vie de l’intelligence. Quant à nous, nous aimons à croire, et quelques renseignemens nous autorisent en effet à penser que M. Bibesco saura s’élever à toute la hauteur de sa situation, et qu’il en comprendra toutes les nécessités. L’hospodar de la Valachie ne doit être ni Russe ni Anglais, ni Français ; il doit être Valaque. Il y a beaucoup à faire dans les provinces danubiennes, mais rien ne peut se faire que modestement, à petit bruit et en vue d’un avenir dont probablement les hommes d’aujourd’hui ne jouiront pas. Il faut le plus noble de tous les courages qui est celui de faire le bien sans espérance d’en voir les résultats, de greffer l’arbre dont nos héritiers pourrons seuls savourer les fruits. Et ce bien, si modeste et désintéressé qu’il puisse être, n’est pas moins fort difficile à faire. Il n’est pas de position plus délicate, plus scabreuse que celle d’un hospodar des provinces du Danube. Que d’intrigues s’agitent autour de lui ! Que d’influences opposées et redoutables à ménager ! Que de faux amis ! Que de protecteurs perfides ! Que d’ennemis ouverts et cachés ! Ces princes rappellent les petits souverains de l’Italie à la fin du moyen-âge. Hélas ! que pouvaient-ils malgré leur admirable sagacité, leur incomparable adresse ? Les évènemens étaient plus forts qu’eux : l’habileté est nécessaire, mais en politique elle ne suffit pas sans la force.

Le parlement anglais va reprendre dans deux jours le cours de ses séances.