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suite les archevêques et évêques de première, seconde et troisième classe. Au-dessous des évêques sont les archimandrites, ou abbés des couvens ; après eux la hiérarchie ecclésiastique compte encore les protopopes, les popes, les archidiacres, les diacres et les sacristains.

Tous les grands dignitaires qui officient dans les églises avec des vêtemens d’or et d’argent, des mitres chargées de perles et de pierreries, et auxquels on prodigue dans la conversation, dans les lettres qu’on leur adresse, les titres de saint et de très saint, ne reçoivent qu’un traitement très modique. Celui des métropolitains ne s’élève pas à plus de 4,000 francs par an, celui des archevêques ne dépasse pas 3,000. On leur assigne, il est vrai, encore une part dans les rentes de certains couvens, on leur donne une maison en ville, une maison à la campagne, et ils perçoivent, comme les simples prêtres, un droit de casuel pour les mariages, baptêmes, enterremens auxquels ils assistent ; mais tout compté, bon an mal an, le revenu du métropolitain ne peut guère être évalué qu’à 30,000 francs, et celui de l’évêque à 10,000.

Plusieurs hommes ont illustré ce clergé par leur savoir et leurs travaux. D’une de ses académies sont sortis le premier poète russe, Lomonosoff, et le premier orateur de l’église russe, Platon. Malgré le haut rang qu’il occupe et la considération qui l’entoure, ce clergé me semble, comme le clergé blanc, isolé du mouvement général de la nation, et comme lui arrêté forcément dans une situation passive et stationnaire. Tant qu’il en sera là, il pourra entretenir le goût des pratiques extérieures chez les fidèles prosélytes de la religion grecque, inculquer à leur esprit la croyance aux miracles et le respect des images saintes ; mais je ne pense pas qu’il exerce une grande influence sur le développement moral et intellectuel du peuple.

Les églises russes sont pour la plupart bâties sur un modèle uniforme. À l’extérieur, elles présentent un édifice carré sur lequel surgit une haute coupole ronde, massive, appuyée sur un rang circulaire de colonnes, surmontée d’une croix posée sur un croissant, symbole sans doute du triomphe de la religion grecque, de l’asservissement des Mongols et des hordes tartares ; à chaque angle, une coupole plus petite s’élève, peut-être en l’honneur des quatre évangélistes, autour de la grande, qui représente l’image suprême du Christ. Quelquefois il n’y a que trois coupoles représentant la Trinité. Les unes sont peintes en bleu et parsemées d’étoiles d’or comme la voûte du ciel, d’autres argentées, et la plupart dorées. De loin, on les voit s’élancer au-dessus des villes et des villages, scintiller comme une flèche ardente au milieu d’une enceinte de remparts, briller comme une auréole à l’horizon. À l’intérieur s’offre une nef étroite, obscure, coupée par d’énormes piliers et revêtue du haut en bas d’images peintes sur un fond d’or, de figures gigantesques de saints, d’apôtres qui étendent de longs bras et tournent de grands yeux sombres vers l’assemblée. Point de sculptures, le dogme grec les rejette, mais une quantité de tableaux vieillis, noircis, où l’on ne voit que les mains et le visage ; le reste du corps est recouvert d’une plaque d’argent ou de vermeil qui imite les plis onduleux d’un vêtement ; la tête est entourée d’un cercle d’or