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pittoresques peuvent se réduire à un seul genre, tableaux ou romans de mœurs, physiologie de ceci, physiologie de cela, Un Hiver à Paris, Belles Femmes de Paris, la Grande Ville, Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait, etc., etc.

On peut s’expliquer encore qu’en de tels ouvrages, où évidemment la partie pittoresque est le principal et la partie littéraire l’accessoire, les éditeurs fassent sans regret un holocauste de toutes les conditions de style, de pensée, de langue. On ne trompe en définitive, avec la littérature d’illustrations, que ceux qui veulent bien être trompés. Mais l’histoire, mais la géographie, qui sont des sciences, qui sont pour tous des nécessités d’études, qui, par leur nature grave et importante, s’étaient toujours maintenues dans une région austère, élevée, qui n’avaient jamais accepté les caprices de la mode littéraire, qui enfin avaient toujours conservé une certaine forme traditionnelle et solennelle, ont eu à subir aussi les violences du pittoresque. Les écrivains au rabais, qui n’avaient ni assez de connaissance des faits, ni assez de pénétration philosophique pour les expliquer, se sont mis à compiler ou à rajuster de vieux ouvrages historiques oubliés, méprisés, où les erreurs de dates ne sont rachetées que par les erreurs d’évènemens. Les dessinateurs sont devenus historiens, comme ils étaient devenus romanciers et moralistes, et, pour se mettre d’accord avec les écrivains, ils ont multiplié de leur fait les anachronismes de costume, d’ornementation et d’architecture. Nous avons vu d’abord paraître des ouvrages bariolés de vignettes, qui avaient la prétention d’enseigner l’archéologie, l’art, la statistique, les mœurs de tous les pays. Quand des gravures avaient orné quelque ouvrage anglais, on les rachetait en France, et on rédigeait un texte nouveau sur ces gravures. À ces espèces d’encyclopédies pittoresques ont succédé les histoires. La librairie a jeté successivement sur le marché public des histoires de France pittoresques, des histoires d’Angleterre pittoresques, des histoires de Napoléon pittoresques. Toutes ces histoires, faites le plus souvent à coups de ciseaux, sans intelligence, sans esprit critique, exercent une influence fâcheuse sur la portion la moins éclairée du public, qui seule est appelée à les lire ; elles répandent les plus fausses notions dans de jeunes têtes qui ne peuvent discuter les idées et les assertions de l’historien, qui acceptent les mensonges pour des vérités, l’ignorance pour la certitude, les hérésies pour des dogmes politiques. Cette famille de médiocres esprits n’a garde d’étudier les faits, en-