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JOURNAL D’UN PRISONNIER DANS L’AFGHANISTAN.

boul ; mais l’officier anglais répondit qu’il ne pouvait prendre de service en pays étranger sans le consentement de sa souveraine. À mesure qu’ils se rapprochaient de la capitale, ils entendaient le bruit du canon, annonçant que la lutte se prolongeait entre les tribus rivales. Le sirdar établit son camp à deux milles de Caboul vers la fin du mois de mai. Un officier anglais retrouva là sa petite fille, qu’il avait perdue durant la retraite ; on lui avait appris à dire : « Mon père et ma mère sont infidèles, mais moi, je suis une vraie croyante. » Le Bala-Hissar était alors occupé par Futty-Yung, un fils de Zehman-Shah, frère du shah Soudja. Il fut bientôt obligé de composer avec Mahomed-Akbar et plusieurs autres chefs ; il leur abandonna à chacun une tour dans la citadelle, se réservant à lui-même la résidence royale, qui renfermait les trésors. Les tribus et les chefs ennemis prirent ainsi chacun un lambeau du pouvoir, mais la discorde était plus violente que jamais.

Mahomed-Akbar cherchait maintenant tous les moyens de s’assurer l’appui des Anglais. Le général Pollock, qui s’avançait avec des renforts, lui avait offert de lui renvoyer sa famille, qui était entre les mains du gouvernement de l’Inde ; mais le sirdar refusa de l’associer à son existence errante et précaire. Il aurait lui-même volontiers rendu à la liberté tous ses captifs, si les autres chefs ne s’y étaient constamment opposés.

À Caboul, les Anglais retrouvèrent la femme d’un officier, qui avait embrassé la religion mahométane, et était devenue la maîtresse d’un chef afghan. Il paraît que cette femme s’était montrée depuis ce moment l’ennemie la plus implacable de ses compatriotes. Elle a depuis recouvré sa liberté avec les autres.

Ce fut vers la fin du mois de juin que les prisonniers de Ghizni furent, comme nous l’avons dit, amenés à Caboul. Le sirdar leur fit le meilleur accueil. « Je ne pouvais me figurer, dit le lieutenant Crawford, que ce grand jeune homme, de si bonne mine et de si bonnes manières, qui s’informait avec tant de bonté de notre santé, fût le meurtrier de Mac-Naghten et le chef du massacre de nos troupes. Il nous assura que nous serions désormais traités en officiers et en gentlemen. » La conduite de Mahomed-Akbar à l’égard des prisonniers ne se démentit pas. Il leur laissait beaucoup de liberté, veillait avec beaucoup d’intérêt à tous leurs besoins, et semblait chercher à leur faire oublier tout ce qu’ils avaient souffert.

Jusqu’au dernier moment, il espéra pouvoir conclure la paix avec