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LETTRES SUR LA SESSION.

Je m’arrête d’abord aux résultats généraux de la discussion de l’adresse.

La politique intérieure a peu occupé les chambres ; à part un ou deux discours, tout le débat a porté sur les affaires extérieures. M. de Beaumont, dans la chambre des députés, a présenté un tableau animé des tergiversations, des incertitudes du ministère. Il l’a montré ne pouvant point ce qu’il voulait, et voulant ce qu’il ne pouvait point, flottant ainsi entre ses vœux secrets et ses actes publics, traîné à la suite d’une majorité qui le subjugue, et agissant ou s’abstenant selon les caprices de ses appuis, devenus ses tyrans. Cette attaque pressante et quelque peu passionnée, tout en excitant les applaudissemens de l’opposition, n’a été suivie d’aucune réponse du ministère ni de ses amis ; d’autres intérêts absorbaient l’attention, et, quelque vif que pût être le combat sur les affaires du dedans, toute la sollicitude des chambres et du public se concentrait sur l’extérieur.

C’est un des caractères de la situation actuelle que cette préoccupation presque exclusive des affaires étrangères ; en général, l’opinion et ses organes s’attachent aux points où la politique du gouvernement est en défaut, et où se déclarent les périls les plus imminens. Si l’ordre est menacé, si les factions conspirent, les chambres consacrent tous leurs soins au rétablissement de la sécurité publique. Des lois viennent désarmer la révolte, dissoudre les associations, et dans toutes les discussions, les questions de l’intérieur tiennent le premier rang. C’est ce qui se passa dans les premières années du gouvernement de juillet, après l’apaisement des tempêtes soulevées par les affaires de la Pologne et de l’Italie. La restauration avait vu auparavant l’opposition appliquer aussi tous ses efforts à la défense des garanties constitutionnelles attaquées par le gouvernement, et, malgré les faiblesses de la diplomatie, ne la discuter qu’accessoirement et à de rares intervalles. Je n’entends pas dire que la politique intérieure n’excite en ce moment ni plaintes, ni ombrages : l’opération du recensement a laissé en plusieurs lieux d’ineffaçables ressentimens ; des artifices peu dignes ont faussé l’application des lois sur le jury et sur les annonces judiciaires ; les intérêts du service public et les règles de l’équité administrative ont été souvent sacrifiés aux exigences de l’intrigue et de l’ambition. Je le reconnais et m’en afflige, mais ces écarts, malgré leur caractère fâcheux, ne forment pas, à mon avis, l’objet principal de l’inquiétude publique. Les grands intérêts de l’ordre ne sont pas actuellement compromis, et, dans les douze dernières années, la société n’a jamais couru moins de dangers que depuis que les soutiens les plus ardens du pouvoir se sont parés du titre ambitieux de conservateurs. L’opposition fait entendre des accusations fondées : elle souhaite et propose des réformes qui doivent être discutées et dont l’esprit pratique et réservé atteste sa modération ; mais ceux même qui partagent ses griefs et adoptent ses projets sentent au fond du cœur que les libertés publiques ne sont pas plus exposées que l’ordre. Malgré d’utiles améliorations repoussées et des abus regrettables tolérés, le pays ne gémit sous le poids d’aucune oppression ; les conseils de quelques amis exaltés sont repoussés, grace à l’état des mœurs et de l’opinion. Toute mesure