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LETTRES SUR LA SESSION.

dement de M. le conte Turgot, M. l’amiral Roussin, est entré dans le cabinet. Depuis lors, on assure que les hommes politiques de la pairie reviennent de leur première émotion, et commencent à penser que leur chambre a tenu la conduite la plus prudente ; le ministère se flatte auprès d’eux d’avoir rendu service à la pairie en l’arrêtant dans la voie où elle allait s’engager, et la chambre des députés, au contraire, passe pour s’être livrée à une démarche imprudente et irréfléchie.

Qui trompe-t-on ici, monsieur ? Si le ministère a franchement accepté l’adresse des députés, il aura peine à expliquer comment il s’est opposé à ce que la pairie tînt un langage analogue ; si, au contraire, il a obtenu de celle-ci qu’elle s’abstînt pour l’opposer à la chambre des députés, il s’est joué de cette dernière, et l’a prise pour dupe. J’avoue, et je le regrette sincèrement, que cette dernière version me paraît la plus probable ; le langage étudié du cabinet, la satisfaction des ministres et même de l’opposition en Angleterre, sans doute à la suite de quelque communication confidentielle, les forfanteries des journaux de Londres, dont les rédacteurs obéissent à une impulsion connue, l’entrée de M. l’amiral Roussin dans le cabinet, tout autorise et légitime ce soupçon. Une explication est devenue indispensable. Sans doute la chambre n’acceptera point le rôle qu’on lui destine dans cette comédie politique ; elle ne voudra pas être la risée de l’Angleterre et donner à penser que ses paroles ne sont qu’une lettre morte sans valeur et sans portée. Nous verrons si l’on pourra contenter à la fois Londres et Paris, M. Peel et M. Dupin, la chambre des communes et la chambre des députés, et prolonger une équivoque qui n’a déjà que trop duré. Que penser d’une politique qui conduit à de tels expédiens, et faut-il que toutes les fautes du ministère enveniment et compliquent la question du droit de visite, si délicate et si périlleuse en elle-même ?

La discussion de l’adresse n’a pas résolu la question ministérielle, et cependant il est nécessaire qu’un vote significatif apprenne au cabinet s’il possède la majorité, car cette question n’a été décidée ni par les élections, ni dans la courte session d’août, ni dans les débats de l’adresse.

Le ministère, dans la dernière chambre, possédait une majorité réelle, mais formée par les circonstances beaucoup plus que par la sympathie politique. Les élections ont modifié cette situation, moins encore par les échecs notables qui ont décimé la phalange ministérielle que par les mécontentemens dont elles ont provoqué l’explosion. Le cabinet s’est vu presque partout désavoué, même par ses propres candidats ; il a trouvé les colléges les plus importans déclarés contre lui, l’opinion publique hostile ; après les élections, sa chute semblait imminente, et la déplorable catastrophe qui a ravi M. le duc d’Orléans aux espérances de la nation avait pu seule lui rendre une existence momentanée.

La courte session d’août, bien que consacrée exclusivement aux mesures de prudence politique commandées par la perspective d’une minorité, n’avait prêté aucune force au cabinet. Trois élections ajournées malgré lui, une en-