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REVUE. — CHRONIQUE.

bruits répandus à ce sujet avaient été entièrement dissipés par l’enquête du capitaine-général. Loin de vouloir atténuer l’importance d’un fait également heureux et également honorable pour les deux pays, nous aimons à féliciter le cabinet d’avoir mis fin d’une manière satisfaisante à un déplorable débat. Laissons à l’esprit de parti le soin de tout louer et de tout blâmer ; nous ne voulons être que justes, mais nous le voulons être envers et contre tous.

Quant aux prochains débats, ce que nous voudrions, avant tout, c’est que la discussion se plaçât sur un terrain élevé, là où les systèmes politiques se développent dans tout leur jour, et où les hommes disparaissent devant l’importance des choses et la grandeur des idées. Ce vœu, nous le savons, ne sera pas accompli : il paraîtra même ridicule, un désir de rêveur, de visionnaire. Aujourd’hui les hommes sont tout ; les choses ne sont rien. Il s’agit bien de savoir ce que vous êtes, ce que vous pensez, ce que vous voulez ; l’important est de savoir quelles sont vos affections, vos haines, quels sont vos amis, vos ennemis, quel mal vous ferez à ceux-ci, quels avantages vous promettez à ceux-là. Les idées sont de trop aujourd’hui : il n’y a de place que pour des passions, et quelles passions ! On parvient par les passions ; on gouverne avec elles et pour elles ; on tombe sous les coups qu’elles vous portent. Que de passions n’a-t-on pas soulevées contre le 1er  mars, même après sa mort ! On ne lui laissait pas même la paix du tombeau. Aujourd’hui on soulève les passions contre le 29 octobre. C’est la loi du talion. Patere legem quam fecisti. Pour nous, qui sommes complètement étrangers à ces querelles, nous ne pouvons que nous affliger en pensant que, quelle que soit l’issue du combat qui se prépare, le pays ne jouira probablement que d’une courte trêve. La vanité et les haines se remettront à l’œuvre jusqu’à ce qu’un évènement grave vienne dessiller les yeux du public et lui fasse comprendre que les hommes n’oublient si facilement ses intérêts que parce que, dans sa coupable indulgence, il leur permet de les oublier impunément. Le jour où une dizaine seulement de colléges électoraux feraient bonne justice, le jour où ils demanderaient sérieusement à certains candidats : Qu’avez-vous fait, non pour vous, pas même pour nous, mais pour le pays ? ce jour-là nous verrions les plus ardentes colères s’apaiser, les vieilles haines s’amortir ; car il n’y a rien de profond, rien d’invincible dans ces dissentimens. L’ordre se rétablira au premier coup de la férule du maître.

En attendant, on a pu juger de l’état des esprits par le spectacle que nous a offert le troisième arrondissement électoral de Paris. Le parti conservateur a-t-il pu persuader à ses candidats de ne pas sacrifier l’intérêt général à leur ambition personnelle, de ne pas diviser les électeurs, de ne pas seconder et fortifier leur entêtement par une double candidature ? Un des candidats ne s’est retiré que lorsque le mal était fait, que les amours-propres étaient engagés, que les préventions avaient pu persister plausiblement dans leur obstination. Et alors qu’a-t-on vu ? Des conservateurs porter leurs voix au candidat de l’opposition plutôt que de les donner à un de leurs candidats, homme des