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REVUE. — CHRONIQUE.

ces modifications, loin de le ruiner, en ont considérablement augmenté la richesse. Il en sera de même des modifications futures. Nous ne demandons la mort de personne, mais nous voulons avant tout la vie, la prospérité, la grandeur du pays ; nous voulons de l’équité non-seulement pour quelques—uns, mais pour tous.

En Espagne, les affaires se présentent sous des couleurs moins sombres. Le fait que nous avons déjà cité, la juste satisfaction que le gouvernement espagnol vient de donner à la France, en est une preuve. Les prochaines élections donnent à penser à tout le monde. Le régent n’a pu se dissimuler la gravité de la situation qu’il s’est faite. Ses amis, ses conseillers, ont peut-être contribué à lui ouvrir les yeux. Il marchait vers un abîme. L’Espagne ne paraît pas disposée à se livrer pieds et poings liés à un soldat qui ne put pas lui offrir en compensation ce qui séduit et éblouit les nations généreuses, la gloire. Espartero ploie sous l’empire de la nécessité. Il a fait remise aux Barcelonais de ce qu’il leur restait à payer sur la contribution dite de guerre, dont ils avaient été frappés. Soane lui-même s’était effrayé de la résistance, et avait enfin compris que de nos jours, que dans un pays libre, le glaive ne tranche pas toutes les questions. Le gouvernement paraît vouloir préparer sa paix avec le pays. Il a beaucoup à faire pour rentrer dans les voies de la légalité, et pour faire oublier ses écarts. Au surplus, la question espagnole, sous toutes ses faces, est tout entière au fond de l’urne électorale. Il y a eu rarement un acte politique plus important que les élections prochaines en Espagne. Si le parti modéré retrouve son énergie, s’il comprend les besoins, les nécessités du pays, s’il sait, par son désintéressement et son habileté, attirer à lui les hommes honnêtes de tous les partis, tous les amis d’un gouvernement régulier, tous ceux qui sentent que les lois de la monarchie et les emportemens du sabre ne peuvent se concilier sans que la monarchie succombe, il aura bien mérité de l’Espagne, il aura rendu un service au régent lui-même, en préservant l’homme politique des catastrophes que se préparait le soldat irascible et violent.

En Suisse, le directoire fédéral veut à tout prix renouveler la querelle des couvens d’Argovie ; il s’efforce de brouiller ce grand canton avec la diète. Sans doute, en ne jugeant l’affaire que par les textes, le directoire a le droit pour lui. Messieurs de Lucerne sont, à ce qu’il paraît, de bons légistes ; sont-ils des hommes d’état ? Il est permis d’en douter. Qu’arrivera-t-il si le canton d’Argovie résiste ? si Berne, Thurgovie, Vaud, Soleure, prennent fait et cause pour lui ? si d’un autre côté la circulaire du directoire, immense factum, allume la colère des cantons catholiques ? Qui ramènera l’ordre au milieu de ce désordre ? Quoi que la diète décide, quel bien peut-on espérer ? Si la diète se rétracte, elle s’abaisse, et le directoire devient la risée de la Suisse, si elle persiste comment le directoire s’y prendra-t-il pour mettre à exécution les arrêtés de la diète ? En politique, rien de plus facile que de mettre la main à l’œuvre, de commencer quelque chose ; il est plus difficile