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REVUE. — CHRONIQUE.

contenant quarante-un sujets gravés sur bois avec un texte explicatif. Un des plus beaux génies de la renaissance, Hans Holbein, avait dessiné les sujets de ces gravures. De même que Dante résumait dans la Divine Comédie toutes les légendes des premiers siècles chrétiens, Holbein a recueilli dans son œuvre toutes les sombres fantaisies de l’art gothique. Seulement, docile aux tendances d’une époque sensualiste, il a transporté dans le monde réel, au milieu de toutes les pompes de la vie, la ronde gothique dont les funèbres anneaux se déroulaient avant lui dans le vide. C’est dans nos occupations et nos plaisirs qu’il fait intervenir la solennelle apparition de la mort. La création de Holbein a marqué le terme suprême de cette suite de poèmes bizarres écrits par des mains inconnues sur les murs des cloîtres et des cathédrales. Chez lui la funèbre vision du moyen-âge jette son dernier reflet. Après le peintre de Bâle, on a exécuté quelques danses des morts, mais la gracieuse fantaisie de la renaissance ou la fine raison du XVIIe siècle règne presque seule dans ces créations d’un art nouveau. M. Fortoul rend à la France l’honneur d’avoir la première donné à l’Europe du moyen-âge l’idée de la danse macabre, puis d’avoir, au début de la renaissance, confié à Holbein la tâche de rajeunir la donnée des peintres du XIVe siècle en l’adaptant aux exigences d’une époque plus sensuelle et mieux préparée aux fêtes de l’art. L’ouvrage où il développe cette pensée sera lu avec intérêt non-seulement comme un résumé substantiel de recherches curieuses, mais comme une ingénieuse dissertation.


— Il s’exhale des œuvres de ceux qui sont morts jeunes une certaine poésie mélancolique qui dispose à l’indulgence. On ouvre d’abord le livre avec émotion, et, même quand on n’a pas été complètement charmé, on le ferme néanmoins avec regret. Comment être sévère vis-à-vis de promesses ainsi interrompues ? Comment maintenir l’inflexibilité de la critique devant des espérances qui avaient leur éclat, mais qui se sont inopinément abîmées dans une tombe ? Bien des talens réels ont été depuis douze années ainsi tranchés dans leur fleur. Que Farcy teigne de son sang les pavés de juillet, que Dovalle tombe dans une rencontre sous une balle meurtrière, qu’Hégésippe Moreau expire de misère sur un grabat, la Muse est là pour recueillir le legs incomplet et mutilé de leurs chants. Et le cœur aussi a des hommages divers pour leur mémoire ; notre admiration court à celui qui s’est fait tuer pour la loi, notre douloureuse sympathie au malheureux qui a péri pour les susceptibilités de l’honneur, notre pitié enfin à l’écrivain chez qui le désordre des passions n’avait pas encore étouffé le talent. Les écrits de Mlle Louise Ozenne, qu’une main amie vient aujourd’hui recueillir, sous le titre de Mélanges[1], ne rappelle ni de si poétiques ni de si funèbres souvenirs : la poésie pourtant et la tristesse s’y retrouvent empreintes en bien des pages comme dans la biogra-

  1. 1 vol.  in-8o, chez Firmin Didot.