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Jacob, devenu plus puissant que le dictateur lui-même, en vint jusqu’à demander son expulsion. Milenko insurgea dans ce but les nahias du Danube ; le terrible haïdouk Veliko vint le joindre à Poretch, indigné qu’à la dernière skoupchtina on lui eût reproché ses violences sur les jeunes filles, au lieu de le louer de ses blessures et de tant de chevaux tués sous lui. George-le-Noir sut gagner d’abord le haïdouk en le comblant de caresses et le déclarant son fils adoptif ; mais il échoua vis-à-vis des hospodars, qui venaient d’envoyer en Russie leur collègue Milane Obrenovitj, pour prendre le tsar comme arbitre entre eux et le dictateur. Arrivé au camp russe de Valachie, Milane y trouva Peter Dobriniats, qui, se prétendant le véritable envoyé de la Serbie, demandait l’expulsion de Tserni-George par les troupes russes, et l’élévation du consul moscovite à sa place. Le voïevode Milane eut la faiblesse de se prêter momentanément aux plans du transfuge, et tous deux, par leurs émissaires, firent entrer dans leur complot les hospodars. George les avait laissé faire, tant qu’ils ne lui demandaient que de céder sa puissance et d’éloigner ses amis du sénat ; mais quand il fut question de livrer sa chère Serbie aux Russes, il frémit de colère. N’osant plus, devant de telles discordes, méconnaître la nécessité d’un protecteur étranger pour sa patrie, il implora la France, qui ne daigna pas l’écouter ; il envoya à l’empereur d’Autriche son ami Iougovitj, qui reçut un refus humiliant. Rejeté par tout le monde, menacé de l’exil, George fut enfin forcé d’accepter la garantie moscovite : il se résigna, et ne posa pour condition que d’être reconnu chef suprême de l’armée serbe. Le général Kamenski, dans sa proclamation de mai 1810, lui donna solennellement ce titre ; ce qui confondit toutes les espérances des hospodars, et se résignant à leur tour, ils allèrent en bons citoyens décharger toute leur rage sur les Turcs.

La campagne de 1810 fut brillante ; mais à peine était-elle terminée que les querelles intestines recommencèrent entre Jacob, qui prétendait être le knèze ou le chef civil du peuple, et George, qu’il voulait renvoyer au camp et réduire au simple rôle de voïevode, chef militaire. Les hospodars, allant plus loin, espérèrent, par leurs accusations, réussir à envelopper le dictateur dans la réprobation qui pesait sur Mladen et Iougovitj ; ils crurent qu’ils ne pourraient autrement faire condamner par la skoupchtina George à l’exil avec ses principaux défenseurs. Mais la réussite de leur complot dépendait de l’appui d’un régiment russe dont Milane Obrenovitj fut chargé de hâter l’arrivée. Instruit de cette circonstance, George convoqua