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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

« Frères, depuis qu’en 1830, le jour de Saint-André, premier élu, nous reçûmes sur le Vratchar le hati-cherif de notre clément empereur, et le bérat de succession, depuis lors jusqu’à ce moment, nous n’avions point eu l’occasion de nous trouver ainsi réunis tous ensemble. Il m’est donc bien doux de me voir aujourd’hui entouré de ma très chère famille, de nos vénérables évêques, des membres du grand tribunal et autres juges nationaux, des capitaines de nahia et des principaux kmètes. Les nouvelles conventions avec la Porte vous étant connues, je me borne à vous exposer comment elles ont été exécutées. La démolition des forteresses construites par nos devanciers, et notamment de celle de Tjoupria, était nécessaire pour obtenir le repos. Maintenant, nous n’aurons plus de querelles avec ces pillards albanais, qui rarement laissaient passer une année sans frapper de mort quelque paysan serbe. Il est décidé que les Turcs évacueront la Serbie dans le laps de cinq années. J’avoue qu’il m’a été impossible d’obtenir qu’ils quittent aussi Belgrad. Notre impérial protecteur, Nicolas, juge nécessaire que le sultan, son allié, garde cette place forte, située à la frontière d’un autre empire. Il pense que ce serait un outrage à la majesté des sultans, si les étrangers ne rencontraient de Turcs dans aucune ville serbe. Du moins, à l’exception des soldats du visir, ces Turcs ne pourront plus porter d’armes. En outre, les étrangers deviennent inhabiles à posséder aucun bien immeuble dans notre pays, comme les pachas le leur permettaient auparavant, pour augmenter encore notre oppression. Tels sont les droits conquis par le nouveau hati-cherif… Remercions donc l’Être suprême, et prions pour notre sultan Mahmoud, pour l’empereur russe Nicolas Pavlovitj ; qu’à jamais vivent dans notre mémoire les comtes Nesselrode et Strogonof, qui ont les premiers fait connaître les affaires serbes au cabinet de Pétersbourg ! N’oublions pas non plus Ribeaupierre, ni surtout l’ambassadeur Boutenief, dont l’énergie, en nous procurant le dernier hati-cherif, a mis fin à nos démêlés avec la Porte.

« Maintenant que l’indépendance de notre patrie est un fait diplomatiquement reconnu, l’organisation régulière de l’état doit être le plus ardent de nos vœux. Voyons comment sont constitués les peuples civilisés, cherchons à nous organiser de la même manière. L’importance d’une pareille affaire m’a fait désirer de convoquer à cette skoupchtina dix fois plus de monde que je n’en vois ici ; mais il eut été impossible, au milieu de l’hiver, de loger un aussi grand nombre d’hommes, et leurs chevaux, vu la mauvaise récolte de l’année pré-