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constamment près de son lit le fidèle major Anastase. Souvent, malgré ces précautions, il était pris de terreurs paniques. On le voyait se lever en sursaut, et on l’entendait crier au secours.

Tel était le prince dont la plupart des Européens qui ont traversé la Serbie ont fait un grand homme. L’Allemagne aurait dû être mieux informée que l’Angleterre et la France. Cependant l’ingénieur Richter, dans une brochure intitulée Serbiens Zustande, défendait encore Miloch en 1839, tout en avouant que « c’est un caractère vindicatif et cruel ; que par des motifs de haine privée, il a fait périr des personnages héroïques, dévoués au bien général, chers à toute la nation, et dont il était jaloux ; qu’il n’a enfin acquis que très tard la douceur et les vertus de prince qui embellissent aujourd’hui son ame. » — « On a souvent peint Miloch comme un tyran, dit un autre Allemand, M. Possart, auteur d’un tableau géographique et statistique de la Serbie en 1835. Un tyran n’obtiendrait pas de son peuple des témoignages de confiance et d’amour tels que peu de souverains au monde peuvent se flatter d’en recevoir de semblables. La preuve de son patriotisme se trouve dans son administration économe, et la bonté avec laquelle il se préoccupe du moindre de ses sujets. Il est, on peut le dire, un des plus illustres et des plus grands monarques de notre époque. Heureux le peuple qui possède un tel père ! »

Ces rapports officieux étaient publiés sous les auspices de l’Autriche. Cependant le cabinet de Vienne répondait mal aux espérances de Miloch, qui avait compté obtenir de son nouvel allié la sanction de ses tyrannies. L’Autriche était trop faible, trop circonvenue par l’influence russe, pour disputer à Nicolas le protectorat des principautés gréco-slaves. De son côté, l’empereur russe, éclairé par ses agens, ne regardait plus la cause de Miloch comme digne de son appui, quelque zèle que le tyran affectât encore pour son protecteur du Nord. L’impuissance de l’Autriche une fois reconnue par Miloch, et la France lui étant particulièrement odieuse, il ne restait au kniaze d’autre refuge que l’Angleterre. La légation anglaise de Stambol fut donc priée d’envoyer un consul à Belgrad. Miloch désirait que ce fût un homme énergique, un homme d’épée, qui pût parler aux mutins le haut langage des canons britanniques. Le colonel Hodges fut chargé de cette mission. Ayant gagné ses épaulettes avec les terribles guerilleros d’Espagne, qu’étaient devant lui les pauvres rayas de la Serbie ? Marchant dans les rues avec ses pandours aux pistolets chargés, l’inviolable consul, représentant