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ses rapports avec la diplomatie européenne. Ces règnes forment pour ainsi dire un drame à part qui n’est rien moins que terminé. En 1842, le peuple serbe a chassé les derniers restes de la famille Obrenovitj. Un fils de Tserni-George gouverne aujourd’hui la principauté. Toutefois, les Obrenovitj ne se tiennent pas pour battus, et peut-être ont-ils quelque raison de ne pas désespérer encore. En effet si, au commencement de 1843, le cabinet britannique, reniant la dynastie déchue, qu’il voit soutenue par la Russie, a pu entraîner notre diplomatie dans sa politique nouvelle ; si notre consul-général, M. Kodrika, poussé en avant par l’Angleterre comme une sentinelle perdue, a le premier de tous les consuls reconnu la légitimité du prince Alexandre Georgevitj, cette vague démonstration, que n’appuiera sans doute aucune mesure ultérieure, sera d’un bien faible poids dans les conseils de l’Europe, et l’Autriche et la Russie n’en demanderont pas avec moins d’instances l’éloignement volontaire ou forcé du fils de l’émancipateur. Il faut donc attendre encore avant de juger dans son ensemble une crise politique dont le dénouement intéresse non seulement les Serbes, mais l’Orient tout entier.

III.

Trois partis s’agitent dans la principauté serbe : il y a le parti national, composé d’hospodars à mœurs orientales, qui, appuyés sur la population des montagnes, conservent un culte pieux pour les antiques souvenirs et la vie de tribu. Il y a le parti allemand, que les relations commerciales de la Serbie avec l’Autriche ont formé dans les contrées qui bordent le Danube et la Save. Ce parti combat au nom de la civilisation européenne la tendance orientale de la nation. Enfin, il y a le parti mixte, composé des employés qui ne croient qu’à leur solde, soutenu par les cours protectrices, qui ne croient qu’à elles-mêmes, et la diplomatie européenne, qui approuve tout aveuglément. Cette dernière fraction politique n’a aucune chance de vitalité dans le pays ; elle ne pourrait se maintenir au pouvoir qu’en se reniant elle-même pour s’appuyer sur l’un ou l’autre des deux partis vraiment sérieux de la Serbie. La question reste ainsi entre ceux qui appellent l’organisation allemande, et ceux qui soutiennent et veulent régulariser les institutions orientales.

Il est clair, pour qui a étudié la race slave, que les institutions germaniques répugnent profondément à son génie ; à plus forte raison,