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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

annuels oscillant légèrement en plus et en moins autour d’une moyenne, celle-ci ne se compose que d’écarts considérables qui dépassent toute prévoyance ? Ainsi, dans ces climats, les bestiaux, peu nombreux, abandonnent les plaines au milieu du printemps pour aller chercher aux montagnes une pâture assurée, heureux quand à leur retour la sécheresse ne les prive pas de leur provision d’hiver ; la disette des bestiaux cause celle des engrais, et renferme le cultivateur dans un cercle étroit de cultures céréales et arbustives. C’est du blé, des vignobles, des mûriers, qu’il doit attendre ses produits, d’autant moins abondans qu’il ne peut pas réparer convenablement les élémens de fécondité naturelle du sol. Enfin le métayage règne invinciblement dans ces contrées, parce qu’il faut que le maître y partage les chances du colon. Au milieu de ces plaines altérées brillent comme des oasis un petit nombre de terrains arrosés, qui alors dépassent autant par la richesse de leur végétation celle des pays les plus favorisés, que les terres sèches qui les environnent leur sont inférieures. N’est-il donc pas en notre pouvoir de multiplier les espaces pourvus par l’intelligence humaine de cette humidité que le ciel leur déniait ? Ces deux élémens, l’eau et la chaleur, qui réunis produisent la végétation, et séparés la détruisent, n’est-il pas possible de les rapprocher dans les proportions les plus convenables aux végétaux ? Sans doute l’homme ne peut suppléer à la chaleur que dans certaines limites, aussi bornées que l’enceinte de ses serres ; s’il ne peut transporter sous le pôle la température de la zone tempérée, presque partout cependant il peut disposer de l’eau. Plus on avance vers le midi, plus le besoin s’en fait sentir ; mais aussi, en associant une quantité d’eau suffisante à une quantité de chaleur considérable, le produit s’élève avec les deux facteurs ; la valeur des terres s’accroît en raison du besoin plus grand de l’irrigation, qui alors en double, triple, centuple quelquefois le prix. Or, ce miracle de la multiplication des produits ne peut être opéré que rarement et difficilement par l’individu privé des secours d’une bonne législation et de ceux du gouvernement. Avec cet appui, au contraire, le revenu agricole peut s’accroître dans des proportions considérables, car, ne nous y trompons pas, nos pays à pluies d’été eux-mêmes sont trop près des limites de la région où elles manquent pour qu’ils n’aient pas aussi à souffrir des oscillations du climat, pour qu’ils ne subissent pas aussi des périodes de sécheresse estivale, et alors la détresse y est d’autant plus grande que le nombre des bestiaux y est plus considérable, et que la disette du fourrage les frappe tous à la fois ; il faut