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Après les Rakchassas, en suivant l’ordre des temps, on trouve la presqu’île habitée par deux races, les Vedars et les Couroumbars. Bien qu’ils aient eu leurs rois, les Vedars ont laissé peu de traces, mais ils se sont conservés jusqu’à nos jours. Disséminés dans les forêts, dans les monts Nilgherris, réunis ailleurs en tribus, commandés par leurs chefs ou poligars, assez mal vus des Hindous, dont ils n’ont entièrement adopté ni les croyances ni les usages, ils passent leur vie à chasser, ce qui n’est pas d’un brahmanisme très orthodoxe, et habitent des huttes malpropres dont un homme de bonne caste ne peut franchir le seuil sans être souillé. Les Couroumbars, qui sans doute opprimaient leurs voisins, s’établirent de préférence dans les plaines ; il eurent des forteresses dont il existe encore quelques vestiges, des villages entourés de remparts et de fossés qui s’élevaient dès les premiers siècles de notre ère à l’embouchure du Coleroon, au sud du Carnatic. Peu à peu, traqués par les Hindous, devant lesquels ils se retiraient comme les Indiens de l’Amérique devant les colons venus d’Europe, ils furent détruits par un roi de la dynastie des Cholas[1], qui régnait vers le Ve siècle.

D’où venaient ces deux familles ? la tradition ne le dit pas. Peut-être ces anciens peuples étaient-ils les habitans dépossédés du pays où s’établirent les Hindous descendus de la Bactriane. Ils avaient sans doute supplanté d’autres sauvages répandus dans la forêt Daôdaca, et s’y étaient fixés depuis plusieurs siècles, jusqu’à ce qu’une nouvelle migration de peuples venus du nord les refoulât encore et finît par les absorber également. Toujours est-il qu’ils se trouvent mêlés aux premiers évènemens que retrace l’histoire si obscure de cette partie de L’Asie.

Les Hindous avaient donc émigré, puisqu’on les voit apparaître successivement sur tous les points de la presqu’île. Un surcroît de population et l’esprit de conquête purent porter le peuple et les rois à fonder, hors des limites du territoire sacré, des colonies et de nouveaux états. L’épopée de Rama, qui, déshérité et exilé par son père, se fraie une route jusqu’à Ceylan, repose sans doute sur un fait qui se rattache à ces premiers établissements des Indiens dans la forêt Daôdaca. Mais ce qui put, sinon attirer les brahmanes vers ces cités naissantes, du moins les chasser de leur patrie, ce furent les persécutions que leur firent éprouver les bouddhistes. Dans les légendes, on dit bien que tel petit prince, roi des rois et maître du monde,

  1. Cholomandalam, pays des Cholas, d’où Choromandel