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avec usure le prêt que lui fera l’état, comme peut le faire l’agriculture française ? D’ailleurs, il faut bien le dire, la réussite du plan est à cette condition, et l’exposé succinct des difficultés que présente l’opération ne laissera aucun doute à cet égard.

Le lendemain du jour où un chemin de fer, un pont, sont terminés, la recette commence immédiatement, et l’expérience a prouvé que les premières années n’étaient pas celles qui produisaient le moins. Il n’en est pas de même d’un canal d’irrigation ; pour que les cultivateurs puissent profiter des eaux, il faut qu’ils changent leur mode de culture, et ce changement est une grande affaire. Il faut des capitaux pour l’opérer, il faut niveler le terrain, le fumer ; il faut modifier toute l’économie de l’exploitation, acheter des bestiaux, si l’on transforme le terrain en prairie ; il faut enfin quelquefois sacrifier des capitaux qui avaient une autre destination, comme quand il s’agit d’arroser une surface consacrée auparavant aux vignes ; alors les nombreux bâtimens destinés à cette culture, celliers, caves, etc., les foudres, tonneaux et autres ustensiles, deviennent inutiles, et il faut les remplacer par des greniers à foin et des étables. On a toujours vu que ce n’est que plusieurs années après l’ouverture d’un canal, qu’il distribue une quantité d’eau suffisante pour payer l’intérêt de ses frais de construction. Aucun capitaliste sensé n’entreprendra donc une telle opération s’il n’est suffisamment aidé, et les associations de propriétaires ne pourront elles-mêmes la tenter qu’avec l’appât d’une subvention. C’est donc le chiffre de cette subvention qui doit devenir la base de l’adjudication du canal. Une fois largement entrés dans cette voie, les départemens, les communes, les particuliers, viendront en aide à l’opération ; mais c’est au gouvernement de soutenir l’enfant par les lisières jusqu’à ce qu’il marche.

Autant l’eau dispensée avec juste mesure sur les terres sèches est un bienfait, autant la surabondance est un fléau qu’il faut conjurer. Les eaux stagnantes couvrant des bassins peu profonds dont les bords se dessèchent en été deviennent des foyers de maladies et des causes de dépopulation. Combien ne reste-il pas à faire pour rendre à la santé des contrées entières que la fièvre désole ! Sera-t-il jamais possible d’assainir complètement nos côtes maritimes ? Les épidémies de la Zélande, malgré le génie déployé par les Hollandais dans les desséchemens, semblent faire craindre que le problème ne soit de long-temps complètement résolu ; mais il est une foule de positions sur lesquelles on peut agir avec succès, et il faut les rechercher. Le grand-duc de Toscane nous en donne l’exemple par ses tra-