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en 1841[1] il les avait fort maltraitées. Il disait alors n’avoir jamais rencontré de femmes qui fût en état de suivre un raisonnement pendant un demi-quart d’heure ; ce qui parut fort étrange, et l’on se demanda avec quelles femmes causait ordinairement M. de Lamennais. Il disait encore que la femme la plus supérieure atteint rarement à la hauteur d’un homme de médiocre capacité ; ce qui était un grossier blasphème dans la bouche d’un contemporain de Mme de Staël, et d’un écrivain appartenant à la littérature qui a produit le plus grand nombre de femmes ingénieuses et éloquentes. Aujourd’hui M. de Lamennais cherche à réparer ses torts avec plus de zèle, il est vrai, que de logique. N’importe, il y a là un bon sentiment, et c’est chez l’auteur chose malheureusement trop rare pour ne pas lui en tenir compte.

Dans tous les temps on a vu des écrivains et des penseurs faire la critique de la société dans laquelle ils vivaient. Cette critique est un droit pour tout esprit qui s’en croit le talent, et elle peut être utile à ceux qui en deviennent l’objet ; agréable, piquante, énergique, passionnée, suivant l’humeur et les forces des écrivains qui la manient, cette critique peut amener la société à des retours, à de salutaires réflexions sur elle-même. Mais pour y parvenir, elle doit être au moins au niveau des lumières de ceux qu’elle entreprend de réformer. Il faut que ceux qu’elle réprimande et qu’elle châtie soient obligés de lui reconnaître une raison supérieure, un bon sens solide. Or, de bonne foi, quelle impression M. de Lamennais peut-il se flatter de produire sur les hommes éclairés de son pays et de l’Europe par sa critique de l’état social ? Je me représente en Allemagne, au fond de son cabinet, un honnête homme qui, sur la réputation de M. de Lamennais, aura lu avec empressement son dernier livre : il est curieux de connaître les idées de ce grand réformateur, les jugemens qu’il porte sur les bases de l’ordre politique de nos temps modernes. Notre consciencieux lecteur procède avec méthode ; il cherche comment M. de Lamennais apprécie la vie positive de la société, et il tombe sur ces mots : Les relations de l’administrateur avec l’administré s’expriment en un mot, un seul : payez. » Quelque peu surpris, il poursuit son examen : voyons, que dit le célèbre écrivain de la diplomatie ? « Les fonctions du diplomate se réduisent à une seule, tromper. Ses discours, son silence, sa figure, son geste, ses caresses, ses colères, tout en lui ment… » Notre honnête homme est ébahi

  1. Discussions critiques et Pensées diverses.