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Si l’on considère que, depuis 1811, le nombre des méthodistes ou wesleyens a à peu près doublé et que leur influence a quadruplé, on peut juger de la résistance que rencontrera aujourd’hui le plan d’éducation proposé par sir James Graham. Il ne faut pas oublier non plus que dans la dénomination de dissidens il faut comprendre les catholiques, qui, relativement à l’église établie, sont des dissidens. Or les catholiques sont atteints par différentes clauses du bill autant que les méthodistes, ou autres dissidens. D’abord dans toutes les écoles, le choix de l’instituteur devra être, comme nous l’avons dit, soumis à l’approbation de l’évêque, et naturellement l’évêque ne choisira que des membres de son église. De plus, bien qu’en apparence l’instruction religieuse doive être séparée de l’instruction séculière, il y a cependant dans le projet du gouvernement un point qui touche à l’orthodoxie respective des différentes communions ; c’est la lecture de la Bible, qui forme une partie obligée du système d’instruction. Ce n’est pas la première fois que cette difficulté se présente ; à plusieurs reprises depuis trente ans, il a été proposé en Angleterre d’établir des écoles où il ne serait enseigné aucune liturgie particulière, et où l’instruction religieuse donnée par l’état serait bornée à la lecture du livre commun, la Bible. Cependant, comme la version de la Bible adoptée dans les écoles devait naturellement être celle de l’église d’Angleterre, les catholiques ont toujours refusé de se soumettre à cette condition, et la rendre, aujourd’hui encore, obligatoire, c’est exclure les enfans catholiques des écoles. Or, il a été dit dans le parlement, et cette assertion n’a pas rencontré de contradicteur, que les catholiques tendent peu à peu à former la majorité de la classe manufacturière. À Liverpool, il est arrivé qu’un jour on a introduit dans une école publique la lecture de la Bible, qui ne s’y faisait pas auparavant, et peu de temps après le nombre des enfans était réduit de huit cents à trois cents. On dira qu’il y avait une manière très aisée de trancher la difficulté, c’était de séparer complètement l’instruction religieuse de l’instruction séculière ; mais, chose remarquable, il ne paraît pas qu’on ait jamais tenté, en Angleterre, d’établir nettement cette séparation, et nous ne voyons aucun projet dans lequel la lecture de la Bible n’ait fait nécessairement partie du système d’instruction.

Une autre disposition de la loi, qui affecte plus particulièrement les méthodistes, c’est celle qui oblige tous les enfans admis dans les écoles de l’état à se rendre également aux écoles du dimanche. Cette clause ne tend à rien moins qu’à supplanter le prosélytisme des méthodistes parmi les classes pauvres et à le remplacer par celui de l’église établie ; et c’est là, nous le croyons bien, la grande compensation que sir Robert Inglis et son parti trouvent aux sacrifices que fait l’établissement. Les méthodistes, on le sait, forment un corps missionnaire et propagandiste par excellence. Nous sommes beaucoup trop habitués, en France, à confondre sous une dénomination commune tous les missionnaires anglais que l’on rencontre sur tous les points du globe, et à les prendre pour des envoyés du gouvernement britannique. Cette exten-