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Ses romances, contes, légendes ou traditions, sont déjà au nombre de plus de vingt, dont quelques-uns comptent plusieurs milliers de vers ; voici les titres des principaux : Pour la Vérité le Temps et pour la Justice Dieu, légende ; la Surprise de Zahara, romance de 1481 ; À bon juge meilleur témoin, tradition de Tolède ; le Dernier roi maure de Grenade, poème ; l’Honneur et la Vie qui se perdent ne se recouvrent pas, mais se vengent, légende ; Souvenirs de Valladolid, tradition ; le Prince et le Roi, romance historique ; les Deux Roses, romance ; le Capitaine Montoya, légende ; la Justice du roi don Pèdre, tradition ; le Sculpteur et le Duc, conte ; la Princesse doña Luz, légende ; un Espagnol et deux Françaises, légende ; Marguerite la tourière, tradition ; la Passionnaire, conte fantastique ; le Talisman, légende traditionnelle. Les premiers de ces poèmes ont paru épars dans les recueils lyriques de Zorrilla ; les derniers ont été publiés par livraisons, en 1841, sous le titre commun, de Chants du Troubadour. Un recueil spécial, imprimé en 1842, sous le titre de Veilles d’été, contient le Talisman et deux autres légendes. Les journaux de Madrid annoncent en outre la prochaine publication d’un nouveau volume.

Ce nom de Chants du Troubadour et les autres titres que nous venons de citer indiquent assez quelle pensée a inspiré les récits poétiques de Zorrilla. C’est une manifestation nouvelle d’un retour aux traditions nationales, et celle-là nous paraît un peu plus heureuse que l’autre. Le nom de troubadour est devenu depuis quelque temps fort à la mode en Espagne ; il n’est pas précisément espagnol, mais peu s’en faut ; c’est un mot emprunté à l’ancienne langue romane, qui a été commune pendant deux siècles au midi de la France et au nord de la Péninsule. Il rappelle le souvenir de la plus antique des littératures modernes, de celle qui naquit au plus fort des ombres du moyen-âge, et qui fut la mère commune des muses d’Espagne et d’Italie. La nuance de ridicule qui s’attache chez nous à ce nom, par suite de l’abus qui en a été fait, n’existe pas de l’autre côté des Pyrénées. Un jeune poète dramatique, M. Garcia Gutierrez, a fait jouer dernièrement un drame intitulé le Troubadour, qui a eu un grand succès littéraire. Enfin la plus récente des sociétés fondées à Madrid pour le développement des lettres et des arts, le Lycée, a voulu témoigner, par un hommage spécial, de son respect pour la littérature romane ; elle a institué des jeux floraux exactement semblables, pour le nom comme pour l’esprit, à ceux qui furent fondés au XIVe siècle à Toulouse par sept troubadours provençaux, et elle distribue, comme eux, dans ces concours poétiques, des fleurs d’argent et d’or. C’est encore de l’imi-