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perception. L’impôt restait encore au-dessous de 5 millions ; aussi, le 5 vendémiaire an XII, intervient une loi qui décrète des licences, et pour les fabricans et pour les débitans ; le droit d’entrée s’élève successivement, pour les tabacs importés par les navires étrangers, de 100 fr., où il était en l’an XII, à 200 fr. en 1806, à 440 en 1810, et, pour les tabacs importés par les navires français, de 80 fr. à 180 et 396. Il est de plus créé un droit de vente pour le fabricant, et des vignettes dont le prix est fixé à 1 centime. La culture est grevée à son tour ; les planteurs sont assujettis à des déclarations de culture, à des acquits à caution, à des visites perpétuelles des employés de la régie de l’enregistrement. À la faveur de toutes ces mesures, l’impôt s’accrut, mais en l’an XII il atteignit à peine 9 millions, en l’an XIII 12 millions, en l’an XIV 16 millions, et les années suivantes il resta au-dessous de cette limite extrême. Il faut donc, pour tirer parti de ce genre de consommation, pour rendre au trésor ces 30 millions et plus qu’il rapportait autrefois, en finir avec les demi-mesures, et avoir recours à un remède énergique. L’empereur, peu habitué aux moyens-termes, ne recule devant aucune des conséquences du régime qu’il va établir. Il s’exprime ainsi dans le préliminaire du décret du 29 décembre 1810 : « Les tabacs, qui, de toutes les matières, sont la plus susceptible d’imposition, n’avaient pas échappé à nos regards. L’expérience nous a démontré tous les inconvéniens des mesures qui ont été prises jusqu’à ce jour. Les fabricans étant peu nombreux, il était à prévoir que l’on serait obligé d’en réduire encore le nombre. Le prix du tabac fabriqué était aussi élevé qu’à l’époque de la ferme-générale. La plus faible partie des produits entrait au trésor, le reste se partageait entre les fabricans. À tant d’abus se joignait celui que les agriculteurs étaient à leur merci.

« Après de mûres réflexions, nous avons jugé que toutes les considérations, même les intérêts de l’agriculture, veulent que la fabrication du tabac ait lieu par une régie au profit du trésor ; que la culture sera suffisamment garantie et protégée lorsque nous imposerons à la régie l’obligation de ne fabriquer les tabacs qu’avec les produits de la culture du sol français ; que, la consommation restant ainsi la même, l’agriculture ne pourra recevoir aucun dommage de l’établissement de la régie, et qu’enfin, sans augmenter les charges de nos peuples, nous acquerrons une branche de revenus qu’on évalue à peu près de 80 millions, ce qui nous permettra d’apporter une diminution de pareille somme au tarif des contributions personnelle et foncière. »

Ainsi, en suivant une marche timide, par des conquêtes successives sur les franchises accordées par l’assemblée nationale, l’impôt des tabacs arrive enfin au régime actuellement en vigueur. Ce régime n’est accepté par la restauration que comme mesure provisoire, et, en 1819, les chambres, saisies pour la première fois des questions qu’il soulève, le prorogent jusqu’au 1er  janvier 1826. Par des prorogations successives, après des discussions très approfondies, après une enquête faite par la chambre des députés, l’existence de ce régime, maintenu d’abord jusqu’en 1829, puis jusqu’en 1837 et 1842, est enfin assurée jusqu’en 1852. Il n’a subi, depuis son établissement, que des changemens