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aucun titre de priorité de découverte, de cession ni de conquête. On sait en effet que la Nouvefle-Zélande, visitée au commencement du XVIIe siècle par des marins hollandais, est divisée en une multitude de peuplades distinctes, sans aucun lien même nominal, et qu’aucun chef n’est en mesure de consentir un transfert quelque peu spécieux de souveraineté sur l’une ou l’autre des deux grandes îles. Cependant cet obstacle n’arrêta pas le capitaine Hobson, envoyé sur les lieux dans le cours de 1839, avec mission de négocier des achats partiels de territoire dans le but de faciliter la création de quelques établissemens agricoles. Apprenant qu’une expédition française était sur le point d’arriver, et vingt-jours seulement avant le débarquement de nos colons dans la baie des îles, Hobson proclama audacieusement la souveraineté de l’Angleterre sur toutes les terres et îles adjacentes. La hardiesse de cette mesure, prise en violation flagrante du droit international comme de celui des indigènes, fit un instant reculer le cabinet britannique. Mais ce gouvernement ne désavoue guère les agens qui, dans les circonstances difficiles, confessent énergiquement la puissance de leur patrie. L’opinion publique était vivement excitée par les organes d’une compagnie à la tête de laquelle se trouvaient placés des capitalistes et des hommes parlementaires. Le sentiment religieux, si puissant sur cette grande race anglaise, venait d’ailleurs de s’éveiller au récit de la visite pastorale récemment faite par l’évêque d’Australie aux missionnaires épiscopaux établis sur quelques points de ces côtes abandonnées[1]. Enfin, dans la douloureuse période écoulée entre le traité du 15 juillet et la convention des détroits, la France n’était pas en mesure de poursuivre aux extrémités du monde le redressement d’un grief qui affectait son honneur plus que ses intérêts. Toutes ces circonstances déterminèrent le cabinet de la reine Victoria à faire un pas nouveau dans cette voie d’agrandissement colonial, qui est bien moins, depuis un siècle, le résultat d’un système que la conséquence de pressantes nécessités. Ainsi, la Nouvelle-Zélande fut solennellement proclamée colonie de la couronne, partie intégrante du domaine britannique, et siége d’une église épiscopale. Depuis 1841, des ventes de terre considérables s’y opèrent chaque année au compte du gouvernement, et la ville de Wellington s’élève comme par enchantement sur ces rivages où la France n’abordera plus désormais sans trouver un souvenir de

  1. Proceedings of the church missionnary society, 1840, p. 85. — Polynesia including New-Zeland, by the Right. rev. M. Russell, p. 359