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donné de conserver à l’entrée de la mer des Indes, l’île inexpugnable qui porte son nom, elle n’épuisera pas follement ses finances pour préparer de faciles conquêtes à la puissance qui règne à Canton comme à Calcutta, et qui a jeté la chaîne sur toutes les mers du globe. Elle gardera toute son énergie pour l’attaque, et ne la dépensera pas stérilement dans une résistance lointaine et impossible. S’il est de son devoir de maintenir en état de défense ses colonies des Antilles, c’est parce que leur population est d’origine française, et qu’à ce titre elle a un droit imprescriptible à la protection de notre drapeau. Mais personne, du moins nous le supposons, n’imaginera d’appliquer au fond de la Polynésie le régime caduc qui expire dans l’Atlantique, et de transporter une population européenne à Taïti, à Cimeo, à Raiatea, à Nukahiva, et dans les chétifs îlots qui en dépendent ; personne ne consentirait à recommencer le pacte colonial, et à préparer gratuitement à nos neveux des embarras analogues à ceux contre lesquels nous luttons à si grand’peine. Le gouvernement ne le veut pas, les chambres le voudraient bien moins encore.

La conquête et la civilisation de l’Algérie suffit pour tout le cours de ce siècle à nos efforts et à notre force d’expansion. Jeter un pont sur la Méditerranée, le faire franchir à nos mœurs, à notre langue, à notre foi, asseoir le christianisme et le génie français à l’autre côté du bassin qu’enlacent la côte d’Afrique et celle de Provence, recommencer et développer l’œuvre romaine, c’est là une tâche que la Providence nous a imposée par une glorieuse fatalité, et qu’elle nous interdit de cumuler avec une autre. Dans l’ordre des desseins de Dieu, l’ouverture de l’Afrique est une aussi grande chose que celle de la Chine, et la France, chargée d’initier à la vérité religieuse et à la vie sociale ces populations innombrables, n’a rien à envier à l’Angleterre. Si elle accomplit un jour cette mission, elle aura fait pour l’humanité plus que tous les peuples connus. Le théâtre de ses efforts comme de ses intérêts est là plutôt que dans l’Océan Pacifique.

Si nous applaudissons, si l’opinion publique applaudit avec nous aux deux entreprises menées à bonne fin par M. le contre-amiral Dupetit-Thouars, avec l’approbation et probablement aussi sur l’initiative du cabinet, c’est que ces entreprises ne sortiront pas, nous l’espérons, des bornes étroites où la prudence prescrit de les circonscrire sous le rapport militaire et financier. Les observations pleines de sens et de portée faites par M. le ministre des affaires étrangères à propos de l’occupation de Nosse-Bey ont rencontré